L’activisme LGBTQI au Mexique est porté par une communauté aujourd’hui connue et reconnue : les Muxes. Ces transsexuelles portent des tenues aussi flamboyantes que Frida Kahlo, elles sont fières de ce qu’elles sont et prennent appui sur la communauté indienne à laquelle elles appartiennent. Présentation.
Tout d’abord, un petit peu d’étymologie : Muxe, que l’on peut aussi écrire « muxhes » serait une appropriation, dans la langue zapotèque, de mujer, « la femme » en espagnol. Connues en premier lieu par l’anthropologie qui, à l’affût de l’Ailleurs et de l’Autre s’est penchée sur la vie traditionnelle des zapotèques, les muxes constituent une forte communauté dans l’état d’Oaxaca au Mexique.
Aujourd’hui, la plupart habitent la ville principale, Juchitán. Elles-mêmes d’origine indienne, elles font connaître les Zapotèques par-delà leurs frontières. Elles mettent ainsi en avant leur tolérance face aux identités de genre. La légende de San Vicente (ou saint Vincent), le saint patron de la ville, raconte même que Dieu lui avait confié trois sacs, l’un rempli d’hommes, l’autre de femmes, et un troisième de personnes d’un « genre indéfini » mais seulement le dernier sac s’est déchiré lorsqu’il est arrivé près de Juchitán. Il y a donc eu plus de personnes de ce « troisième genre » dans la ville que partout ailleurs. Cela fait penser aux récits entourant les hijras en Inde (une communauté de transsexuelles également). On peut supposer qu’il s’agit là d’une adaptation de légendes plus anciennes aux cultes catholiques importés par la suite. Toujours est-il que les muxes assurent à leur peuple une visibilité inattendue.
Cette acceptation d’un « troisième genre » s’explique en partie du fait que les Zapotèques constituent une société matriarcale. Adopter les codes de la féminité ne sera pas considéré comme une chose dégradante. Leur culture et leurs traditions forment un îlot à part dans un Mexique très conservateur en matière de rôles de genre. Ils échappent ainsi d’une certaine façon à la forte influence de l’Eglise catholique. De plus, avoir un garçon muxe pour ses parents leur donnera l’assurance qu’il s’occupera d’eux lorsqu’ils seront plus âgés. Cela est par conséquent considéré comme une bénédiction, en sachant que les muxes se marient avec des femmes et leur assurent une descendance, même si c’est de moins en moins le cas actuellement. Une chose est sûre : le transsexualisme, comme on veut parfois nous le faire croire, n’est ni un phénomène récent, ni l’apanage des cultures occidentales.
L’activisme des muxes en matière de droits des LGBT est de notoriété publique. Elles ont gagné le respect des autres indiens en portant cette cause au-delà de leur communauté, dans tout le pays. Par exemple, Amaranta Gómez Regalado a été candidate pour être législatrice au parlement national. Elle est également une figure de proue de la lutte contre le SIDA au Mexique. L’influence des muxes s’est étendue à d’autres villes, notamment Huatulco, qui accueille un concours de Miss Huatulco Gay depuis 1993. Un spectacle de drag queens est également en tournée dans tout l’état du Oaxaca afin de collecter des fonds pour la lutte contre le SIDA.
Reste que leurs homologues « féminins », les nguiu (mot zapotèque siginfiant homme), -des femmes transgenres, ou des hommes trans ou des drags kings- ne bénéficient pas de la même reconnaissance. Serait-ce parce qu’ils abandonnent les codes de la féminité traditionnellement prescrite ? Ne sont-ils pas assez « exotiques », en particulier pour les Occidentaux, en comparaison des muxes qui arborent les tenues traditionnelles ?
Bénédicte