Organisés par la Mutinerie, la Mairie de Paris ou des associations, les cours de self-défense se multiplient. A destination de toutes les femmes, cis et trans, hétéros et lesbiennes, l’autodéfense féministe propose en particulier une approche réaliste, loin du sport de combat. Pratiquée notamment par le Diana Prince Club, elle a de nombreuses adeptes et constitue, pour beaucoup, une révélation.
Déjà utilisée par les suffragettes, l’autodéfense féministe repose sur l’idée que tout ce qui limite l’estime de soi ou la capacité d’agir peut être transformé et utilisé pour se défendre. Son but n’est pas de vous changer en Wonder Woman, mais de puiser dans l’expérience personnelle, l’éducation et le sexisme ordinaire pour vous montrer de quoi vous êtes capable, aussi bien verbalement que physiquement.
C’est en discutant avec sa sœur, féministe elle aussi, que Lia* a eu envie de franchir le pas. Si elle ne savait pas vraiment à quoi s’attendre, elle avait plusieurs bonnes raisons de se laisser tenter : « Savoir me défendre, expulser de l’énergie, de la colère accumulée contre les hommes qui m’ont abordée sans que j’aie rien demandé, ou qui m’ont agressée… Il est hors de question que la « peur » ou le « risque » supposé m’empêchent de fonctionner en toute indépendance. Je voyage seule, j’aime ça, je n’ai pas envie de me poser la question de qui j’invite chez moi, d’à quelle heure tardive je prends les transports en commun. »
Résultat, Lia a tout de suite été emballée : « Quand je sors de ces séances, je me sens apaisée. J’ai découvert ma force physique, et contrairement au cliché, ça n’a rien à voir avec le gabarit. J’ai aussi redécouvert ma capacité à réagir, à dire non à des inconnus comme à des amis. Les hommes n’imaginent pas à quel point c’est fatigant de se faire tout le temps aborder, de se voir considérer comme « quelque chose » de si « public » que n’importe qui peut se permettre d’interrompre ta rêverie pour te faire connaître son avis sur ta gueule ou ton cul. »
Marie*, elle, avoue être allée à son premier cours d’autodéfense comme elle serait allée « à un cours de pâtisserie ». Si elle n’avait jamais ressenti le besoin d’apprendre à se défendre, elle n’a réalisé qu’ensuite pourquoi elle avait envie d’essayer : « Je n’avais pas pris conscience des agressions dont je faisais l’objet. Je les vivais comme quelque chose de quotidien dont il fallait s’accommoder. Maintenant, ma perception a complètement changé. Je me sens moins vulnérable, et surtout, j’ai pris conscience que mon corps avait de la valeur, qu’il méritait d’être respecté par des inconnus, ou par des gens connus d’ailleurs », raconte la jeune femme.
Tout comme pour Lia, l’autodéfense a aussi été pour Marie une expérience de solidarité féminine à part entière. « Je me sens forte de toutes ces personnes avec qui j’ai partagé mes peurs, mes regrets », explique-t-elle. Avant d’ajouter : « Maintenant, je me sens complètement légitime pour me défendre car j’ai réalisé que, oui, se faire alpaguer par un mec, c’est une agression et un rapport de domination. »
Charlie
*Ces prénoms ont été modifiés