Le lâcher prise est-il obligatoire pour jouir ?

On dit souvent que l’orgasme est une affaire de lâcher prise, qu’il faut arriver à s’abandonner au plaisir, avoir assez confiance en soi et en l’autre pour laisser s’exprimer cette part intime de notre être. J’entends également souvent des sexologues dire que pour lâcher prise pendant l’amour, il faut accepter de perdre le contrôle.

Au détour de conversations entre amies ou plus souvent des témoignages que j’ai pu recevoir jusqu’ici et notamment, à l’occasion du pamphlet contre l’orgasme, j’ai pu m’apercevoir d’une chose: on assimile plus souvent l’orgasme à une perte de contrôle de soi, un certain lâcher prise, plutôt qu’au contrôle, qu’à la concentration.

J’ai commencé à me poser la question lorsque je me suis aperçue que j’étais dans l’hyper contrôle moi-même et que j’arrivais pourtant, à avoir des orgasmes alors que de nombreux psys affirmaient que, ne pas avoir d’orgasme était synonyme d’hyper-contrôle. (Je passe rapidement sur l’idée que de nombreux psychologues voient aussi l’orgasme comme un aboutissement à une relation sexuelle alors qu’il n’est pas obligatoire.)

Ainsi, en y repensant, je me suis rendue compte que j’avais besoin de me concentrer pour avoir un orgasme: me concentrer sur la sensation de la langue de l’autre sur le clitoris, me concentrer sur le plaisir que je ressentais. Il suffisait d’une pensée qui n’a rien avoir avec la relation sexuelle pour que la montée du plaisir se stoppe nette. Comme en méditation de pleine conscience: partir dans une pensée et revenir sur la sensation de la respiration.

Ici, c’est pareil. Il m’a semblé alors que l’orgasme était une histoire de concentration sur le plaisir en cours et que si j’étais préoccupée par quelque chose, il m’était plus difficile d’avoir un orgasme. J’ai alors commencé à demander aux femmes autour de moi ce qui se passait dans leur tête au moment d’avoir un orgasme : étaient-elles à l’apogée d’un lâcher prise ou de leur concentration?

« Moi, je me concentre. En général, quand je suis bien concentrée sur, disons, le plaisir, j’essaye de me concentrer sur le lâcher prise pour laisser le truc monter tout seul et avoir un meilleur orgasme. Donc selon moi, oui c’est les deux. » nous dit Marion.

« C’est un peu des deux, parfois c’est du lâcher prise quand je me retiens trop longtemps (orgasme qui vient trop vite, envie de prolonger le plaisir), mais ça arrive qu’il faille que je me concentre, notamment quand j’ai du mal à jouir et qu’il faut que je me concentre sur une sensation particulière. Et surtout quand on stimule mon vagin et pas le reste, là je suis obligée de me concentrer. » ajoute Laura.

« Je dirais que, pour moi, l’orgasme vient avec la concentration et le lâcher prise mais je rajouterais aussi la connaissance de mon corps, de soi-même, tout simplement. » pense Julia.

En ce qui concerne la notion de connaissance de soi, il me semble clair, personnellement, qu’il faille d’abord s’explorer soi-même, savoir comment notre plaisir fonctionne avant d’attendre que quelqu’un d’autre avant nous. Même si je pense qu’il est possible de ne pas passer par la masturbation pour connaître comment l’on fonctionne, j’imagine que c’est un peu plus difficile.

Mais en ce qui concerne la concentration sur le plaisir et le lâcher prise, c’est peut-être parce qu’il faut d’abord accepter que le premier orgasme du plaisir est bien le cerveau. Si je suis préoccupée par quelque chose, j’aurais du mal à avoir un orgasme, il faudra plus me concentrer sur la sensation, cela me demandera plus d’effort, si je n’ai pas assez confiance en l’autre, ou si j’ai honte de mon plaisir, j’aurais plus de mal à me laisser aller au plaisir.

C’est le cerveau qui régit notre plaisir et « ne pas arriver » à avoir un orgasme n’est pas un problème, ça arrive, peu importe que ce soit parfois plus simple. Nous ne sommes pas obligées de faire l’amour dans le but unique d’avoir un orgasme, mais il est important, je crois, de savoir comment ça fonctionne.

Et nous sommes mal renseignées: les femmes ont été informées trop tardivement du fonctionnement de leur plaisir que nous cherchons encore, à tâtons, ce qui est en jeu quand nous avons un orgasme: la concentration, le lâcher prise, ou tout simplement, au croisement des deux : une forme de pleine conscience.

Sarah

Sarah ne parle plus trop de cul ni d'amour d'ailleurs mais ses passions demeurent : féminisme, antispécisme, santé mentale et gingembre.