Si les gender studies s’appliquent à une multitude de disciplines, celles concernant le cinéma sont particulièrement croustillantes.
Les chercheurs analysent les films par le prisme du genre –sexuel- et isolent des types de relations, des personnages récurrents etc. On observe alors que les stéréotypes sont aussi confortés par les œuvres ou alors que ces dernières tentent justement par divers biais de remettre en cause notre schéma sociétal, c’est-à-dire, une société patriarcale (faut-il le rappeler).
Dans Men, Women and Chainsaws : Gender in the modern horror film (Hommes, femmes et tronçonneuses : le genre dans le film d’horreur moderne), Carol J Clover s’est ainsi délecté des slashers américains des années 1970 (il s’agit de films où le tueur agit avec un couteau) et a identifié un personnage récurrent : la final girl, maladroitement traduit en français par « la dernière survivante ».
La final girl est cette fille qui, plus sensée que les autres membres de son groupe d’amis, ne se prendra pas de coup de couteau mortel (quelques égratignures dans la jambe ou le bras, pas plus), saura comment échapper au psychopathe voire même lui faire du mal ou le faire fuir (pas le tuer parce qu’il y a environ trois à six suites aux slashers tels qu’ Halloween, Vendredi 13 ou encore Freddy, les griffes de la nuit).
Au début du film, on la découvre dans son environnement –le lycée ou l’université-. Elle apparaît comme plus réservée, moins délurée ou extravertie que ses copines, qui ne pensent qu’aux garçons, au bal de fin d’année et à s’habiller court (à faire du sexe, en résumé). La final girl est de ces héroïnes, un peu boyish. En jean, à plat et peu maquillée, elle semble dès le début, en conditions pour affronter l’ennemi.
Ainsi, dans Halloween ou La Nuit des Masques de John Carpenter (1978), Laurie (interprétée par Jamie Lee Curtis) est une jeune fille discrète et sérieuse, qui pour la nuit du 31 octobre, n’a rien prévu d’autre que de garder son petit voisin. Ses amies, flanquées de leurs petits copains en proie aux hormones adolescentes, passent leur soirée à entamer leurs vies sexuelles. Ces jeunes couples sont assassinés les uns après les autres, par Michael Myers, un psychopathe masqué qui s’est échappé de l’hôpital psychiatrique où il était enfermé depuis l’âge de 9 ans, pour meurtre (déjà).
Après avoir poignardé quelques maisonnées, le tueur parvient à pénétrer celle où Laurie se trouve. Celle-ci n’est pas étonnée et protège l’enfant qui est sous sa responsabilité. Elle n’hésite pas à se défendre avec ce qui lui tombe sous la main, notamment une aiguille à tricoter, à attaquer le meurtrier et ne se laisse pas malmener. En phase avec les luttes féministes des années 1970, la final girl est cette nouvelle jeune femme, intellectuelle et indépendante qui émerge dans les sociétés occidentales. Évacuant les habituelles victimes des films d’horreur qui tombent littéralement sous le charme de leur bourreau (pensez aux victimes du vampire, Dracula), elle refuse cette fatalité et se soulève contre elle.
Autre caractéristique de cette final girl, elle ne hurle pas de façon aigüe comme ses congénères à l’approche du danger et a plutôt tendance à être essoufflée par l’action qu’elle mène. Elle parvient même à retourner le couteau contre lui… Mais la final girl reste une girl et le médecin du psychopathe intervient afin de sauver la jeune fille (héroïne mais pas trop non plus).
Michael Myers ne meurt pourtant pas et l’on sait d’ores et déjà que Laurie sera amenée à de nouveau faire preuve de courage dans les prochains épisodes…
Angie