Il s’en passe des choses éminemment intéressantes chez nos voisins, côté péninsule ibérique, un pays qui a légalisé le mariage gay en 2005, qui a fait des violences conjugales une question de société majeure avec une loi en 2004, un pays où les crimes machistes font la une des journaux, papier, web et télé… Ce n’est pas idéal là-bas mais l’envergure de la mobilisation pour les droits des femmes contre les violences et les droits des LGBTI nous laisse songeuses à un moment où ces questions sont quelque peu inexistantes dans les débats actuels, pourtant cruciaux.
Alerte-inspiration pour notre hexagone exigu : trois professionnelles de l’éducation ont lancé un projet d’observatoire LGBTI virtuel en milieu éducatif.
Carmen Ruiz Repullo, Marian Moreno Llaneza et Kika Fumero sont les trois enseignantes passionnées à l’initiative du projet. Elles sont parties d’un constat affligeant. Un tiers des élèves de primaire est victime de harcèlement, entre 70 et 80% des élèves LGB entendent à l’école comment leur orientation est une insulte, 80% des élèves LGB cachent leur orientation sexuelle. Par ailleurs, selon l’Institut National des statistiques espagnol, entre 2011 et 2015, 2562 filles mineures ont porté plainte et bénéficient de mesures de protection, sans parler de la violence domestique, des viols collectifs, des bus qui exhibent la transphobie (ceux de l’association ultra-catholique Hazte Oír en l’occurrence).
Elles sont convaincues que tout ou presque se joue dans l’éducation. Si un monde meilleur est possible, c’est bien là que ça doit commencer, dans le lieu où les nouvelles générations se rencontrent et se forment, un lieu qu’elles souhaitent plus sûr, plus sain, sans préjugés et sans violence qui entravent le développement des futur.e.s citoyen.ne.s. D’où un observatoire co-éducatif, qui envisage l’école comme le lieu premier du vivre ensemble, où filles et garçons ont les mêmes conditions et les mêmes opportunités.
Via un financement participatif, elles veulent créer une plateforme en ligne à échelle nationale en direction des élèves, des professeurs et des familles pour valoriser et promouvoir l’égalité et le respect de la diversité à l’école. L’observatoire proposera entre autres choses un service d’information d’urgence, un réseau social d’échanges, une bibliothèque d’outils pour tous les âges, une plateforme de formation et des jeux pour apprendre.
Les sociologues Johanna Dagorne et Arnaud Alessandrin rappellent que la lutte contre les discriminations, l’homophobie en particulier, n’est apparue que très récemment en France dans les agendas politiques et la recherche universitaire (« Etre une fille, un gay, une lesbienne ou un.e trans au collège et au lycée. Academic Leadership, AcademicLeadership.org, 2016, Le sujet dans la cité, 2 (6), pp.140-149. <hal-01255682).
Le Collectif éducation contre les LGBTphobies en milieu scolaire créé en 2004 regroupe neuf organisations et syndicats représentatifs des élèves, parents et personnels de l’Éducation nationale pour lutter contre les discriminations LGBTphobes en milieu scolaire. Dans son blog, le collectif reprenait le rapport intitulé « Renforcer et généraliser aujourd’hui la formation à l’égalité filles-garçons des enseignant.e.s pour construire la société égalitaire de demain » du Haut Conseil à l’Égalité entre les Femmes et les Hommes de février dernier, qui constate en particulier que « la formation à l’égalité ne bénéficie qu’à une minorité des 900 000 personnels enseignants et non-enseignants qui travaillent dans les écoles, les collèges et les lycées ». Le collectif conclue : « Et encore, parmi la minorité qui a reçu une formation sur l’égalité filles-garçons, combien de ces personnels ont eu droit à un éclairage sur les LGBTphobies ? De cela, le HCE ne dit rien »…