La vidéaste Carole Roussopoulos et l’actrice Delphine Seyrig se rencontrent en 1974, elles uniront leur colère et leur humour avec plusieurs créa vidéo fermement engagées. La petite-fille de Carole Roussopoulos a réalisé un documentaire qui fait le portrait croisé de ces deux icônes.
Les années 70, c’est l’effervescence, la matrice, le M.L.F., Le torchon brûle, Le Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire, les Gouines rouges, le Manifeste des 343, accords, désaccords… La vidéo n’est pas encore un médium très investi, il est peu connu du grand public. Carole Roussopoulos crée avec son mari le groupe Vidéo Out, ils organisent des formations en direction des femmes, c’est ainsi que se forment l’actrice Delphine Seyrig et la traductrice Ioana Wieder. En 1974 naît l’association Les Muses s’amusent qui se consacre à la création vidéo militante jusqu’à la fin de la décennie.
1975 : c’est l’année internationale de la femme déclarée par l’ONU. A la fin de l’année, Antenne Deux commande une émission spéciale à Bernard Pivot, une émission de divertissement qui s’intitule « Encore 1 jour et l’année de la femme, ouf, c’est fini ! » et qui consistait à confronter à un panel de misogynes notoires la première secrétaire d’Etat à la condition féminine, Françoise Giroud, qui plane à mille pendant toute l’émission, servant une soupe badine et complice avec un flegme distancié et poseur, voire méprisant, loin, très loin par exemple de l’ironie d’Anne Sylvestre qui chantait sa chanson contre l’année de la femme « la vache engagée ».
Durant l’émission Bernard Pivot demande au critique gastronomique Christain Guy si les femmes sont meilleures cuisinières que les hommes… Face au florilège de poncifs misogynes, Françoise Giroud reconnait que les conditions pour faire la cuisine lorsqu’on est un grand chef sont intolérables pour une femme…
Un morceau d’anthologie qui sert de base au détournement signé Delphine Seyrig, Carole Roussopoulos, Ioana Wieder et Nadja Ringart, Maso et Miso vont en bateau, qui ouvre le documentaire.
Maso et Miso vont en bateau joue et déjoue la bande avec collage, insert, commentaires, un bricolage en apparence qui tranche dans le vif avec un sous-texte politique qui n’a pas pris une ride. Le film s’achève avec un déroulant clair et net (petit poke à Marlène) : « Aucune femme ministre ne peut représenter les autres femmes au sein d’un gouvernement patriarcal. Elles ne peuvent qu’INCARNER LA CONDITION FEMININE oscillant entre le désir de plaire (féminisation : Maso) et le désir d’accéder au pouvoir (masculinisation : Miso) » qui conclut par « Aucune image de la TELEVISION ne peut nous incarner, c’est avec la VIDEO que nous nous raconterons. »
L’année suivante Carole Roussopoulos et Delphine Seyrig tournent Scum Manifesto pour faire entendre la version française du manifeste de Valerie Solanas parue aux Etats-Unis en 1967 mais épuisée depuis sa sortie en France en 1971. Ensemble au sein du collectif Les Muses ou séparément, elles signent des films documentaires engagés pour la lutte des droits des femmes.
En 1982 Carole Roussopoulos, Delphine Seyrig et Ioana Wieder fondent le Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir qui conserve les documents audiovisuels sur les droits et les luttes des femmes. Une institution incontournable.
En 2009, la vidéaste décide de réaliser un film sur Delphine Seyrig, disparue en 1990. Elle n’eut pas le temps d’achever la maquette. Sa petite fille Callisto McNulty reprend le travail, c’est le point de départ de Delphine et Carole, insoumuses coproduit par Les Films de la Butte, Alva Films, Le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir et l’INA.
Diffusé sur Arte le 17 avril et disponible sur arte.tv jusqu’au 15 juin.