On va beaucoup tourner en rond, penser, angoisser, rire et ressentir des émotions fortes durant cette quarantaine. Installe toi bien dans ton canapé (tu dois être rodé.e now) : le covid daily est de retour baby !
Vendredi 20 mars
Rosie m’envoie des photos d’Australie en mode «happy de la life». Elle me dit qu’elle va quand même regagner une ville parce qu’elle est en pleine campagne. Un instant je me sens légère, j’ai presque oublié la situation. Il y a des endroits dans le monde où ce n’est pas comme ici. J’appelle Josie, ma copine féministe de 80 ans. On a pas les mêmes idées mais je l’aime. Elle s’inquiète au sujet des avortements. C’est ça que j’adore chez elle, son engagement féministe total. J’aimerais penser à autre chose mais je n’y arrive pas. Comment ça va être après ?
Ça commence à devenir dur émotionnellement. Mes règles ont duré un jour. Est-ce qu’on va avoir des traumas ? Je supporte plus les réseaux sociaux, tout ce que j’y lis. Ces injonctions à faire-ci, toutes ces nouvelles conventions sociales encore plus absurdes. Ce manque d’empathie. Le bruit tous les soirs à 20H. Ce nouveau devoir citoyen.ne tellement incohérent. Je préfère prendre des nouvelles des personnes que je connais qui bossent dans les hôpitaux. C’est plus logique. Il commence à faire beau et doux. Des oiseaux chantent et des primevères poussent sur l’asphalte. L’humanité me manque.
Samedi 21 mars
Il y a 11 ans je couchais pour la première fois avec une meuf. C’est un souvenir doux et qui a marqué un tournant dans ma vie. Un vrai printemps quoi. Est-ce que l’hétérosexualité va périr avec le covid-19 ? Est-ce qu’on s’aimera mieux ? Est ce que nos liens vont radicalement changer ? Tu sais ce qui me fait le plus de peine c’est de ressentir les choses aussi fort et d’être impuissante. Je ne peux pas m’empêcher de penser à après.
Sarah n’arrête pas de dire que cette crise est gérée avec les pieds. Du coup, je vois des pieds de partout, c’est weird. Ça existe des gants pour pieds ? Est-ce que les chaussettes sont des gants de pieds ? T’imagines des chaussettes anti-covid 19 ?
Je pense aux libertés qu’on abandonne, aux nouvelles politiques encore plus atroces qui se mettent en place. Suis saoulée de voir autant de propos racistes et misérables. C’est ça qui me fait étouffer. J’arrive plus à m’ échapper de cette réalité qui pue. J’angoisse d’aller faire des courses mais ça va, moi je peux acheter ce dont j’ai besoin. Je pense aux personnes qui ne peuvent pas, aux personnes en prison, aux SDF, aux personnes en ehpad, en hôpitaux psychiatriques qui sont encore plus isolées et rejetées par ce système. Est-ce qu’on va tout oublier quand ce sera fini ?
Dimanche 23 mars
J’ai l’impression d’être la seule à ressentir violemment tout ça. Pourquoi personne ne parle de ses émotions ? Est-ce qu’on va encore plus s’éloigner les un.e.s des autres ? La matérialité des autres me manquent. Trop de questions métaphysiques, je commence à me déréaliser. J’ai croisé une instagrammeuse qui faisait un live. Elle portait le même parfum que Marie. J’ai pensé à ses bras, à ses seins, à sa bouche. Est-ce que les souvenirs deviendront des caresses ?
On a fait un skype avec Isa et Lubna. La dernière fois où on était ensemble, c’était à la marche de nuit. Est-ce que pour vous aussi 15 jours deviennent une année ? Je fais un brownie vegan chocolat beurre de cacahuète. On fait des blagues avec Sarah, elle me dit qu’elle passe en vélo, je lui dis de rester dormir, on ira au bonjour madame.
J’ai bingé Feel Good dans mon lit. Je reste dans la noir, la musique dans le casque. Je me mets à pleurer. J’ai juste envie de courir et sentir le vent lacérer mon visage. Sentir l’odeur de l’herbe coupée. Contempler l’écume qui s’abat sur les rochers. Mes ami.e.s me manquent. Ma mère me manque. Je ne sais plus si je veux faire retour ou avance rapide.
Lundi 24 mars
Je suis en colère contre l’état, contre ce système qui n’en a clairement rien à foutre de nos vies. L’indécence d’annoncer travailler 60 heures par semaine, de supprimer les congés payés, de pratiquer des contrôles de police d’une extrême violence dans certains quartiers toujours les mêmes hein. Pas dans le 11ème ni le 7ème mais Saint Denis évidemment. Et sur les réseaux ça ne parle que de «mon voisin sort tous les jours», les délations à la police fusent. Mais c’est quoi votre problème sérieux ??? Je suis en colère et ça me ronge. De voir à quel point nous acceptons ce confinement, de renoncer à nos libertés face à l’incompétence des états. Non pas qu’il ne faille pas rester confiné.e.s et faire comme si de rien n’était. Mais plutôt de se retrouver impuissant.e.s face à cette situation.
J’avais tout prévu mais pas une épidémie. C’est ça le truc. Personne n’avait prévu une épidémie. C’est pire qu’un virus ce système, il nous gangrène.
Je ne suis toujours pas en guerre mais le capitalisme nous fait clairement la guerre. Il y a des personnes qui demandent à des infirmier.e.s de quitter leur domicile pendant le confinement de peur d’être contaminé.e. Mais allez vous faire cuire le cul ! Encore plus de colère d’entendre cette mascarade tous les soirs. Je me dis que les gens ont juste besoin d’extérioriser leur angoisse au balcon en faisant du bruit. Je trouve ça absurde.
Elisa me skype. Mateo a grandi. J’ai envie de lui faire un câlin. Je me demande ce qu’il ressent et si je le reconnaitrais la prochaine fois.
Mardi 25 mars
Evan me parle de chips, je descends en acheter. Je me sens mieux mais les copines sont en bad. Ça fait peur ce moment où tout flanche et que tu ne sais pas si tu vas réussir à tenir. De pas savoir combien de temps cela va durer. Mais ça passe. Ça reviendra sûrement parce que tout cela nous modifie incontestablement. Et ça passera à nouveau.
Je regarde les stories de Marie Papillon parce que ça me fait rire. Ça fait du bien de rire. Est-ce que vous vous préoccupez de votre santé mentale ? Est-ce que tout le monde va vriller à un moment ? Qu’est-ce que je vais faire en premier quand le confinement sera fini ? Est-ce que quelqu’un.e va inventer une nouvelle drogue spécial quarantine ?
Mercredi 26 mars
Le mood du jour : danser.
Jeudi 27 mars
J’ai parlé à ma psy dans mon lit. J’espère que tout va changer après, vraiment. Que personne ne reprendra le travail tant que toutes les personnes qui nous permettent de pouvoir manger et qui nous soignent pendant que nous sommes chez nous ne seront pas considérablement augmenté.e.s. J’espère que nous n’oublierons pas et que nous renverserons tout ce système. J’espère qu’il n’y aura plus d’argent ni de travail.
Je me rapproche de la meuf qui me plait et j’aime cette temporalité au ralenti. Cette manière de communiquer loin des normes sociales absurdes et d’être libre de pouvoir être qui je suis avec elle.
Je mange des chips au ketchup et j’ai le coeur plein d’espoir.
Rag, on pourra réellement la faire la Wet le 9 mai ? Et la pride elle aura lieu quand ? Est-ce que la réalité va être modifiée ? Est-ce qu’on va socialiser en réalité virtuelle ? Et vous, vous vous sentez comment ?
Vendredi 28 mars
Rien de tel que le chocolat alors voici la recette brownie vegan chocolat beurre de cacahuètes :
110 gr de crème végétale
90 gr de beurre de cachuète
1 cuillère de graine de chia diluée dans de l’eau ( à laisser gonfler ddès le début genre 1 mn en remuant)
130 gr de chocolat noir pâtissier 52%
50 gr de farine complète
1 pincée de bicarbonate de soude
Faire fondre le chocolat coupé en morceau dans le beurre de cacahuète à feux doux
Puis ajouter le mélange graines de chia
Bien fouetter avant d’ajouter la crème de soja et d’intégrer les poudres.
Verser la préparation dans un moule à brownie ou un grand moule à cake préalablement chemisé ou huilé. Lisser à la maryse afin que l’ensemble soit homogène.
Enfourner dans un four préchauffé à 200°C pendant 10 minutes.