Si vous n’avez pas eu droit à votre article sexo dominical c’est que j’étais partie pour le week-end à Bourges. L’occasion de participer à un workshop sur l’écosexualité. Workshop organisé par Annie Sprinkle* et Beth Stephens et l’association Emmetrop de Bourges.
L’écosexualité est un concept qui nous replace dans la nature, nous, êtres humains en tant qu’êtres vivants au même rang que les animaux et l’environnement naturel qui nous entoure. C’est une manière de prendre conscience des enjeux écologiques par le biais de nos sensations et notre corps. Ce séminaire en pleine nature berruyenne est unique en son genre en France. Il a d’abord eu lieu en mai dernier à Madrid et aura également lieu à Londres et à Colchester en Angleterre.
Le séminaire a donc commencé jeudi dernier par une présentation de ce qu’est l’écosexualité – et pour en savoir plus je vous laisse aller voir vous-même les divers sites internet – s’est poursuivi le vendredi soir par une projection de films et s’est prolongé par une immersion dans la nature du samedi au dimanche.
C’est dans une ferme à 25 minutes de la ville de Bourges que nous nous sommes immergéEs durant deux jours entiers. Deux jours entiers ponctués de buffets de produits bio et locaux, de moments de solitude (parfois) mais surtout de moments de rassemblement pour parler de nos sensations.
Cela a commencé par une promenade durant laquelle nous pouvions lever la main lorsque l’unE d’entre nous avait trouvé son « point E » (son point écosex, comme le point G). Cela allait de la chaleur du soleil qui nous frappait le visage à la mousse humide qui bordait la route en passant par le champ de blé dans lequel une seule image te traverse l’esprit, celui de corps nus, ou plutôt du tien avec un autre. Le point E ne donne pas forcément envie de faire l’amour, mais moi oui.
Puis nous sommes arrivéEs dans le jardin d’un paysagiste spécialiste de l’eau qui t’explique le cycle de l’eau et tu te souviens soudainement que tes premiers cours sur la nature étaient sur le cycle de l’eau. Tu réalises alors (il était temps) de l’importance de l’eau dans ta vie (70% de ton corps, 3L par jour en été). La plupart des personnes qui ont fait le stage étaient semble-t-il déjà éveilléEs à l’écologie, mais il est toujours bon de rappeler à quel point nous ne faisons pas attention au gaspillage de l’eau au quotidien et qu’il serait quand même grand temps de se réveiller pour de bon.
On poursuit la promenade dans son jardin aux milles ambiances ensoleillées ou ombragées, on passe par les fontaines pour lesquelles il a tenté de recréer le rythme « naturel » de l’eau. Jolie symphonie de sons, d’odeurs et de sensations tactiles qui te donne une fois de plus, envie de faire l’amour, là dans l’eau. Ou de baiser, au choix.
L’immersion dans la nature n’est rien sans une immersion dans un lac remplie de tiques. A poil, évidemment. Alors tu vois tous ces corps nus se jeter à l’eau comme on voit le jour, l’eau est froide, et parfois chaude, selon les courants qui passent. Certaines personnes restent au bord et nous regardent, de loin, nous entendent, nous, les inconnuEs du lac.
C’est beau, tu sors de là et tu n’as même pas envie de te rhabiller. Ce ne sont par les corps nus que tu vois qui donnent envie de faire l’amour puisqu’ils sont absents de tout érotisme, là, dans ce moment précis (pour moi) mais c’est la chaleur qui te brûle la peau nue au-dessus, le blé qui te caresse le corps qui te donne envie de baiser pour la troisième fois dans la même journée.
Une couleur jaune ocre qui ombrage le lac et les têtes qui dépassent de l’eau.
La journée se termine et Annie Sprinkle et sa partenaire à la vie comme à l’écran Beth Stephens nous proposent d’aller nous égarer dans la nature et de fabriquer quelque chose à partir de quelque chose qui nous émoustille particulièrement dans la nature. Ce n’est que le lendemain matin lors d’une réunion que nous partageons tout ça. Le mouvement écosex souhaite rendre l’écologie amusante et sexy à la fois. Une cause urgente et sérieuse dont la prise de conscience se fait avec humour, pour palier la gravité de l’état actuel de la Terre. Les fantasmes avec la nature ou dans la nature sont divers, drôles et sexy. Je ne vous parlerai pas des miens (quoique ce soit déjà un peu fait).
L’après-midi se poursuit par des activités liées aux quatre éléments, par des performances de groupe vraiment émouvantes et se clôt par un orgasme des quatre éléments d’Annie Sprinkle dans un ruisseau. Ça pourrait être obscène alors que là, personne n’est nu. Et chacunE rit à sa manière de la situation. La vraie clôture a lieu en rond autour du feu où nous faisons vœu à la terre de prendre soin d’elle. Certaines personnes sont seins nus, mais habilléEs ou pas, j’ai l’impression d’être la femme de Cro-Magnon.
La parenthèse enchantée dans ce lieu idyllique garde quelques points de suspension pour le dimanche soir, soirée pour laquelle furent montées des sculptures en cagettes ornées de fruits et légumes de producteurs locaux.
T’es là, tu bouffes ta tomate, et le seul mot qui te vient en tête pour qualifier ce que tu fais à la tomate est « sucer ». Ouai, voilà, tu finis par sucer la tomate, et tu t’en fous plein les doigts et tu trouves ça cool.
Tu te dis que tu l’as bien mérité ton diplôme d’écosexualité.
Sarah
*Annie Sprinkle est une performeuse, activiste et écrivaine féministe américaine. Elle est la figure première du féminisme prosex aux USA.
Crédit photos : moi-même