Une lesbienne à Venise…c’est un peu un chat errant et solitaire perdu au milieu de chiens apprivoisés.
Parce que même s’il y a des lesbiennes à Venise, et je ne vais d’ailleurs pas vous surprendre, elles n’ont aucun lieu où se retrouver. Des bars, des cafés et des restaurants où vous pouvez siroter des spritz et mangez des pâtes, il y en a pléthore dans la ville, absolument partout, dans chaque coin de petite rue et sur chaque place, mais d’endroit lesbien, il n’y en a aucun. La lesbienne qui va à Venise est généralement déjà en couple et n’a pas vraiment besoin de sortir dans le milieu pour choper une belle vénitienne. Pour choper une vénitienne, ou au moins une italienne, il faut se rendre à Padoue où il y a même un mois entier de LGBT Pride. De plus, la ville de Venise étant très fragile, il est impossible de rassembler des centaines de personnes qui dansent en un seul lieu. Pour cela, il faut aller sur la terre ferme, dans la ville de Mestre, ou à Padoue, donc.
Mais si la lesbienne célibataire n’a pas grand chose en gagner en terme de milieu à Venise, la lesbienne en couple n’y a pas grand chose à gagner en terme de romantisme. Car Venise n’est pas une ville pour les amoureux, et encore moins pour les amoureux de même sexe. Quoique l’on m’ait – à plusieurs reprises – suggéré de partir à Venise en septembre, période à laquelle la plupart des LGBT s’y rendent.
Mais qu’importe, pendant la période estivale ou la période du Carnaval, la ville pullule de touristes. Ca parle anglais et français dans les rues, rarement italien…sauf si…vous vous éloignez un peu des grandes places et endroits touristiques. Et c’est ce que j’ai tenté de faire. Evidemment, je n’ai pas échappé à l’envie de voir la place Saint Marc, place sur laquelle les pigeons volent le plus bas, à peine effrayés par la horde d’envahisseurs étrangers. Ces pigeons là n’ont rien à envier à nos pigeons parisiens, qui d’un coup d’aile sont capables de vous faire virevolter à 360°.
Il y a également le Pont du Rialto, magnifique à lui seul mais bien trop colonisé par les touristes ; le Pont des Soupirs, sous lequel vous pouvez faire un vœu qui ne sera jamais exaucé ; mais le mieux, c’est quand même le marché du Rialto sur lequel vous pouvez acheter 250 grammes de tomates séchées pour 4€ seulement.
OK. J’ai l’air un peu cynique. Mais.
Pour apprécier Venise, il faut s’éloigner des lieux touristiques et se perdre dans les rues, le long des canaux, visiter les îles, boire des spritz sur la place Santa Margharita, place sur laquelle se retrouve la jeunesse vénitienne, avec des parts de pizza pour 2€ et des glaces succulentes (mais non végétaliennes) pour à peine 1,20€. Et c’est ce qui est le plus fou dans cette ville, le prix des glaces, le prix des parts de pizza ou encore le prix du Spritz(3€), la boisson vénitienne par excellence (composée de vin blanc, d’eau de Seltz et d’un alcool plus amer comme –je vous le conseille – l’Aperol) toujours agrémenté d’une olive.
Evidemment, vous ne pouvez pas aller à Venise sans aller sur la plage du Lido. Non pas que la plage soit exceptionnelle (et elle est d’ailleurs tout autant peuplée que le reste de la ville), mais pour son hôpital abandonné ; immeuble planté au fond de la plage, dans un écrin de verdure sauvage, absolument déroutant et flippant. La plage du Lido, c’est aussi le paysage exceptionnellement bien filmé du film La mort à Venise de Visconti. Moment parfait pour reprendre la lecture de la nouvelle de Thomas Mann.
Au retour, vous croiserez peut-être les premières lesbiennes de votre séjour comme ce fut le cas pour moi héhé. Venise n’est pas Venise sans ses îles qui l’entourent :
Prenez le Vaporetto (si vous avez la chance d’avoir encore une carte étudiante, le pass 72 heures ne vous coutera que 22€, sinon, comptez 35€) et voguez vers le Nord. Retrouvez-vous dix minutes plus tard sur l’île San Michele où loge un cimetière mieux entretenu que la ville elle-même. En Italie, les morts seraient-ils plus sacrés que les vivants ? Le lieu est absolument fascinant et resplendissant sous 40°, entouré de pins, rythmé par le chant des cigales. Un air du sud de la France à quelques minutes de Venise, à quelques kilomètres de la mer adriatique.
Prenez à nouveau le Vaporetto et arrêtez-vous sur l’île de Murano, une île sur laquelle je n’aurais passé que peu de temps et où des ateliers de verrerie prennent place. Vous pouvez ainsi voir des artisans dans la pratique de leur art (fort captivant) et acheter des babioles de qualité et kitchs pour des sommes peu modiques.
Finissez par l’île de Burano, sans doute le plus bel endroit que j’i vu à Venise où vivent des vénitiens d’un certain âge dans des maisons colorées. L’atmosphère y est particulière à cause de cette impression de pénétrer la vie intime des habitants de l’île. Ils ont sans doute l’habitude des touristes mais moi je ne m’y habitue pas. Dans le Vaporetto de retour vous croiserez à nouveau un couple de lesbiennes – et de deux !
À Venise, vous partez à la trace de Corto Maltese à défaut de partir à la trace d’un lieu lesbien (votre recherche aura sans doute plus de résultats) et allez vous poser dans une librairie avec des gondoles pleines de livres. Longez les quais vers 19 heures (l’heure où la lumière de la ville est la plus belle selon moi) car le soleil se couche un peu plus tôt qu’ici à Venise. Tombez sur les Pallazo et si à la bonne période de l’année, vous pourrez les pénétrer pour voir les expositions adjacentes à la Biennale de Venise. Partout dans la ville sont exposés différents artistes, par pavillon et par pays.
Puis passez deux jours entiers lorsqu’il fait trop chaud dehors à la Biennale entre les murs de l’Arsenal et les arbres des Giardini.
Payez 14€ (avec une carte étudiante – 30€ sans carte) l’entrée pour l’Arsenale et les Giardini. Prenez deux jours car chaque lieu prend au moins 6 heures de visite. Autant dire qu’il faut se préparer mentalement à consommer de l’art. Mais avoir la possibilité de voir tout cet art et tous ces artistes venant des quatre coins du moins du monde est excitant intellectuellement. Alors que la place Saint Marc est pleine de touristes, ici, les immenses salles de l’Arsenal semblent plus aérées.
J’ai personnellement relevé des dizaines de noms d’artistes qui m’ont particulièrement touché ou interpellé mais je ne vous parlerai que de deux d’entre eux ici. Camille Henrot a reçu un Lion d’argent pour son œuvre visuelle. Création, connaissance, abondance, solitude et mort sont les sujets principaux de son montage vidéo métaphysique.
Sharon Hayes a, à la façon de Pasolini, interrogé des étudiantEs sur leur rapport à la sexualité ; au genre et au féminisme afin d’aboutir à une vidéo performative absolument édifiante.
Enfin, vous pouvez profiter de la Biennale pour vous perdre dans l’Arsenal et dans les Giardini : deux lieux qui appellent plus au calme que toutes les places de la ville de Venise. Pour dîner, faites tout vous-même, ou allez dans le Nord de la ville à Cannaregio ou dans le sud dans le quartier de Dorsoduro où les prix sont moins chers. Au retour, croisez à nouveau un couple de lesbiennes place Santa Margharita qui cette fois ci, se tient la main.
Esquissez un léger sourire, et soyez enjouée de l’automne parisien à venir. Parce qu’il faut bien.
Sarah