« Il semblerait que les femmes ne portent pas de slacks (pantalon) en Amérique. L’impression générale c’est qu’un homme ne regarde pas une femme en pantalon » écrivait en 1930, Marlène Dietrich à son mari, resté en Allemagne.
Durant l’âge d’or du cinéma hollywoodien (1929-1948), Ava Gardner, Marylin Monroe, Rita Hayworth et autre Lauren Bacall faisaient le succès d’un film. Elles étaient belles, maquillées, coiffées, portaient de nombreux bijoux et incarnaient à l’écran une certaine idée de la féminité de l’époque (soit un fantasme masculin et bien entendu, hétérosexuel). Mais trois actrices mondialement connues firent scandale dans ces an- nées-là, se travestissant sans complexe soit dans des œuvres de cinéastes audacieux soit dans la vie voire les deux: Marlène Dietrich, Greta Garbo et Katharine Hepburn.
Si les deux premières furent excusées de leur « comportement » au nom de leur « tempérament européen » -comprenez sophistication et anti-conformisme-, Katharine Hepburn paya en revanche, le prix fort de sa provocation –comprenez, l’actrice portait des pantalons en dehors des plateaux de tournage- ; un anti-conformisme d’autant plus gênant que la jeune femme est issue de l’aristocratie. Ces trois stars posèrent ainsi, au su et au vu de tous, les première interrogations quant à la construction du genre mais aussi de la classe sociale.
Marlène Dietrich
Grâce à son mentor, Joseph von Sternberg, l’allemande deviendra homme dans trois films qu’ils tournèrent ensemble aux Etats-Unis : Morocco (Coeurs Brulés) en 1930, Blond Venus, 1932 et The Scarlet Empress, 1934. Marlène Dietrich se joue de son image de blonde séduisante pour de- venir un homme charmeur attirant les regards des femmes. Dans Morocco, elle porte ses cheveux relevés, un pantalon complété par une chemise et un plastron blanc, le tout surmonté d’un élégant haut de forme.
Mains dans les poches, cigarette au coin des lèvres et sourire lubrique, Marlène Dietrich a tout pour séduire la mondaine des années 1930.Ce qu’elle fit posant ses lèvres sur celles d’une spectatrice qui minaude du regard. La salle éclate de rires et en applaudissements. Mais ce qui est montré comme une farce par le réalisateur n’en est pas tant une. La femme fatale a disparu au profit d’un élégant gentleman… Le temps d’un numéro de cabaret.
Greta Garbo
La suédoise ne possédait aucune robe de soirée dans sa garde-robe personnelle, pas plus qu’elle ne s’affichait en compagnie de qui que ce soit… Au point de devenir le « mystère Garbo » pour le tout-Hollywood. En 1933, elle tourne le film qui fera d’elle une véritable icône lesbienne : Queen Christina (La Reine Christine) de Rouben Mamoulian.
Jouant un double rôle féminin et masculin, elle porte les cheveux courts, un costume de chevalier et son attitude autant que son androgynie ne laissent pas de doute sur sa volonté de se jouer des genres mais surtout de faire un véritable pied de nez aux convenances américaines. Décrite comme « frigide et insensible à l’amour » par les journalistes – théorie bien connue : sans homme, toute femme est frigide- Greta Garbo était surtout indépendante et troublante.
Katharine Hepburn
En 1936, dans Sylvia Scarlett de George Cukor (metteur en scène homosexuel. Oh my God !), l’américaine pousse l’anti-conformisme et la provocation jusqu’à changer de sexe. La métamorphose est efficace, Katharine Hepburn y est impressionnante de justesse. Mais ce garçon manqué se devait bien sûr de se transformer en “vraie” femme à la fin du film (les limites de la bienséance, vous comprenez).
Malgré un jeu d’exception, l’audace et la transgression de Katharine Hepburn lui valurent le dédain de la critique et du public, qui préféraient les stars féminines, aux formes hétéro-attirantes et qui ne prônaient leur indépendance. Ainsi, Sylvia Scarlett fut un échec retentissant dans la carrière du cinéaste et par conséquent de Katharine Hepburn. La jeune femme enchaîne les fiascos au point d’être surnommée le “poison du box office”. Bannie du monde du cinéma, elle renouera avec le succès grâce à la comédie, L’Impossible Monsieur Bébé d’Howard Hawks, deux années plus tard.
Angie