Jamaïque / Bob Marley / rasta… Autant de termes qui inspirent la sympathie, la paix, l’harmonie. Et pourtant la petite île des Caraïbes, berceau du mouvement reggae, enregistre l’un des plus forts taux de meurtres au monde. Et parallèlement, un taux d’homophobie incroyablement haut.
Lundi 9 juin 2014, le soleil brille, un tube de Bob Marley dans les oreilles, Redemption song, impossible de ne pas se sentir paisible. Et pourtant, nous fêtons un bien triste anniversaire, celui des 10 ans de la mort de Brian Williamson, assassiné à Kingston en 2004. Le crime de haine, directement lié à son homosexualité, semble flagrant. Membre fondateur du J-FLAG, Jamaican Forum for Lesbians all-Sexual and Gays, il militait depuis des années et prenait la parole en public pour la défense de ses pair-e-s. Plus tard, un jeune homme a plaidé coupable pour ce meurtre tout en niant l’avoir tué en raison de son homosexualité. Avec un complice, ils auraient cherché à lui prendre de l’argent et l’affaire aurait dégénérée. Les circonstances du meurtre restent donc plutôt floues… mais quand même, cela semble presque évident – malheureusement. En Jamaïque, des cas comme celui-là, il y en a plein. La même année, le père d’un jeune garçon a invité ses camarades de classe à le frapper -parce qu’il avait trouvé une photo d’un homme nu dans son sac d’école-… à mort.
L’homophobie encouragée par des reggaemen
2001. Elephant Man, reggaeman très populaire, chante: « donnez des coups de pieds aux gays à répétition, piétinez-les comme des vieux torchons et brûlez-les avec une torche ». Des paroles insoutenables, qui, malheureusement sont loin d’être isolées. Alors que l’on a tendance a lier le reggae à la tolérance, il s’agit parfois de véritables appels à la violence. Les « chi chi man » ou « batty boys », noms donnés aux homosexuels, sont quotidiennement persécutés. La loi est du côté de ces chanteurs qui prônent la haine anti-LGBT car la Constitution condamne l’homosexualité. Sur l’île, avoir des rapports sexuels avec une personne du même sexe est passible de prison. Les policiers eux-mêmes font preuve d’une haine anti-gay flagrante et n’hésitent pas à lyncher les homosexuels.
Ci-dessus : Elephant Man
1999. Beenie Man chante : « Pendez les lesbiennes avec un long morceau de corde ».
Un autre exemple ? 1992. Buju Banton, « tirez une balle dans la tête des gays, donnez moi un semi-automatique, mieux encore un Uzi, tirez… brulez les comme de vieux pneus ». On en a assez entendu et on a compris. Sous des airs d’appels à la paix, certains reggaemen attisent clairement la haine contre les homosexuels. Alors que Bob Marley demandait au peuple de combattre l’injustice, de se lever pour ses droits mais le message ne semblait pas destiné à tous les Hommes.
Attention tout de même à ne pas mettre tout le mouvement reggae dans le même panier. Il s’agit d’une tendance. Et face à ce phénomène de haine et d’appel à la violence, Amnesty International agit en lien avec J-FLAG pour Faire bouger les mentalités, demander l’annulation des concerts, appeler au boycott de la « murder music » ou encore faire pression sur le gouvernement jamaïcain pour changer la lois anti-gay. Un peu d’espoir, en 2012, le chanteur Mistah Majah P est le premier reggaeman à enregistrer un album contre l’homophobie intitulé, Tolerance.
Certains chanteurs ne condamnent plus l’homosexualité dans leurs textes et se sont même excusés officiellement. A l’image de Beenie Man qui chantait « Je rêve d’une Jamaïque qui exécuterait tous les gays » qui a présenté ses excuses à toute la communauté LGBT.
Alors on peut quand même continuer à danser sur des sons reggae si l’on veut… le tout est de savoir quel morceau écouter.
Alice