Ah l’amour, cet élan sentimental qui nous sort d’un quotidien banal et qui nous permet de nous dépasser. Pour certaines, l’amour est un sentiment qui transcende le réel. Un tremplin qui peut nous aider à aller mieux. Mais ne faut-il pas être bien soi-même pour aller bien à deux ?
Que ce soit pendant une déprime passagère, une quête de soi ou une véritable dépression, il n’est pas toujours facile d’assister sa partenaire. Cela peut même être l’origine d’une séparation. J’ai toujours pensé qu’il fallait être assez épanouie en tant que célibataire pour que le couple fonctionne. Mais ma propre expérience a eu tendance à me prouver le contraire. Peut-on s’appuyer sur l’autre pour aller mieux ? A l’inverse, doit-on sauver l’autre pour sauver son couple ?
La question du jour est la suivante : Quand tout va mal pour l’une, où se trouve la place de l’autre ?
Roxane a cherché à soutenir Hannah pendant sa dépression, quitte à s’oublier :
« Quand je l’ai rencontrée, Hannah entrait dans une période difficile. Je n’imaginais pas encore à quel point. Une rupture mal digérée, un boulot stressant, une famille pesante… Mais elle tenait encore la route. Puis, les choses ont commencé à déconner. J’ai tenté de la soutenir. Au début, cela lui a peut-être fait du bien, mais petit à petit, Hannah s’est enfoncée dans sa douleur, s’est coupée de tout, notamment de moi. Je l’ai vu sombrer, disparaitre, devenir l’ombre d’elle-même. J’ai tout fait pour l’aider. J’ai compris à ce moment-là que je l’aimais. Je me suis montrée présente, attentive, douce et prévenante. J’essayais de lui montrer ses qualités, de lui prouver qu’elle était forte, belle, intelligente… Mais souvent, elle me disait d’arrêter de vouloir trop être là, qu’après tout, je n’étais pas sa petite amie puisque nous n’étions « pas un couple », et que notre relation lui faisait plus de mal que de bien. C’est ça qui a été le plus difficile. Je voulais l’aider, mais ma « place » dans sa vie n’était pas « légitime », donc quelque part, je n’avais pas le droit. […] J’ai tout fait pour l’aider, je ne sais pas si j’ai réussi un tout petit peu, mais son bonheur retrouvé, c’est avec une autre qu’elle l’a partagé. Pour moi, ça a été la pire des souffrances amoureuses. Essuyer ses larmes, puis la voir revivre son bonheur dans d’autres bras…On ne peut pas aider les gens malgré eux, c’est ce que je tire de cette histoire. A trop vouloir le faire, on les éloigne, et quand ça va mieux, ils ont peut-être besoin de choses nouvelles, de relations nouvelles. »
On ne s’en rend pas forcément compte mais notre présence seule – même si l’autre nous rejette – peut aider. Cela demande beaucoup de confiance en soi mais également de capacité à se mettre de côté. Il y a aussi une notion de sacrifice pour l’autre. L’aider pour qu’elle aille mieux, avec ou sans nous. C’est peut-être aussi ça l’amour : cette idée que le bien-être de l’autre passe avant le bien-être du couple.
Alice, elle, nous raconte une toute autre histoire :
« Il y a un an de cela, je me suis mis en couple avec une fille qui sortait difficilement et précipitamment d’une relation de deux ans. Nous sommes restées ensemble quatre mois, nous nous sommes vu presque tous les week-end. Seulement, en dehors de ces week-ends qui étaient en tout point superbes (aucune embrouille, d’excellents moments de complicité, etc.) elle ne cessait d’être mal, pleurant tout les soirs au téléphone. […] Finalement, ce qui m’importait, c’était qu’elle soit heureuse, et ne pouvant pas l’aider, j’ai préféré partir de sa vie. Car j’étais persuadée qu’elle serait heureuse sans moi, que notre amour la détruisait plus qu’autre chose. Il y a un mois de cela, elle est revenue et j’ai compris que tout ce que j’avais fait pour elle avait porté ses fruits, qu’elle n’avait jamais cessé de croire en nous, et je l’avais aidé – et l’aide encore- à fuir son passé pour se consacrer à sa nouvelle vie. »
Croire que l’amour sauve de tout, qu’on peut sauver l’autre de lui-même est un leurre, et c’est même assez paternaliste. On ne peut pas sauver quelqu’un. Si on peut l’aider dans une démarche, il faut avoir du courage pour accepter que peut-être, nous ne serons pas bénéficiaires de ce mieux-aller. D’ailleurs, ce n’est pas le but.
Lorsque l’on va mal, on s’entend souvent dire que pour aller mieux, il faut de la volonté, l’ambition d’être mieux pour soi. Mais parfois, guérir pour soi n’est pas une raison suffisante à nos yeux, Johanna en parle très bien d’ailleurs :
« Je traverse une crise depuis quelque temps, j’ai eu peur de tomber dans la dépression, car il m’est déjà arrivé de la frôler et j’avais envie d’aller mieux mais je ne trouvais pas l’énergie ni même la motivation. Aller mieux seulement pour moi n’était pas suffisant. C’est peut-être idiot mais à un moment donné où j’étais au sommet de mon mal être, j’ai compris que je pouvais trouver l’énergie dans ma relation avec ma copine. Ce qui me pousse à envisager l’aide d’une psy, c’est ma copine, ce que je ressens pour elle, notre relation. Tout n’est pas aussi simple que « il faut faire ça pour soi ».
L’autre ne sauve pas, jamais, mais il aide, il est un tremplin, une énergie. On ne fait pas les choses que pour soi, on les fait aussi parfois pour les autres, parce que dans les moments où l’on va mal, notre ego est si bas que le faire pour soi n’a aucune pertinence. On trouve alors l’énergie dans l’amour.
L’ambition de sauver l’autre est finalement une belle illusion sentimentale. Car si l’autre veut aller mieux, il trouvera lui-même dans la relation la force de s’extirper de sa torpeur.
Sarah