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En matière de toilettes publiques, hommes et femmes ne sont pas égaux. Entre l’attente interminable et la propreté très relative des cuvettes, aller faire pipi peut vite tourner au cauchemar. Mais certaines filles ont trouvé l’astuce : un petit accessoire qui pourrait bien changer notre façon d’uriner. Femmes, debout !
1H30 du matin, Nouveau Casino, un soir de fête. J’ai fait la queue pour entrer, pour déposer mon manteau, pour commander un demi, je vais maintenant devoir faire la queue pour pisser. Une bonne dizaine de filles attendent en file indienne devant la porte (massacrée) des WC. Ma vessie s’encombre, je trépigne. A seulement quelques mètres, les battants des toilettes pour hommes virevoltent à mesure que défilent les braguettes. Et si…? Si je tentais une percée, discrètement, juste le temps de déverser mon demi-litre de bière ? Bon allez je tente, je fonce vers le petit bonhomme bleu. Le temps d’esquiver les regards désapprobateurs des consoeurs à la ténacité pelvienne guerrière, me voilà soulagée bien qu’honteuse, d’avoir délivré ma vessie.
Les porteurs de pénis ne connaissent pas la galère de faire pipi dehors. Les mètres de PQ posés sur les cuvettes pour éviter de choper des mycoses, les copines qui font le guet devant un verrou défoncé, les trottoirs sur lesquels on finit toujours par glisser, les éclaboussures sur les baskets toutes neuves, les torsions pour se tenir accroupie… et surtout l’attente. Cette queue qui n’en finit jamais, les lignes et les lignes de filles patientant nerveusement pour pouvoir accéder aux WC.
C’est qu’en terme de toilettes, hommes et femmes ne sont pas sur un pied d’égalité. Si les femmes attendent davantage que les hommes, c’est d’abord parce que l’espace n’est pas pensé pour elles. On continue de construire les mêmes latrines pour tous, sans prendre en compte les spécificités des uns et des autres. Et la spécificité des femmes, c’est qu’elles s’assoient, se déshabillent, s’occupent de leurs bambins, bref, prennent davantage de temps pour faire leurs besoins. Or, dans l’ensemble des bâtiments publiques, le nombre de m2 consacré aux hommes et aux femmes est toujours identique. Résultat : embouteillage à l’entrée des WC.
Certaines femmes ont donc décidé de se lever contre cette injustice. Pour les aider, un petit accessoire tout bête, le pisse-debout. Le principe est simple : un entonnoir en carton recyclable ou en plastique, qu’on cale entre ses jambes. Jetable ou réutilisable, on peut l’emmener partout, il se glisse, façon origami, dans une poche, ou se garde au fond d’un sac.
Magali a crée sa propre marque de pisse-debout. Son lancement, en grande pompe au dernier Hellfest, l’a conforté dans ses convictions. Car le pisse-debout rencontre un succès grandissant, grâce à un public étonnement diversifié :
» La plupart de mes clientes sont des femmes entre 20 et 40 ans, qui sont souvent hors de chez elles, qui sortent pas mal, qui voyagent, qui font du sport ou ont des activités « traditionnellement masculines ». Mais j’ai aussi des « petites mamies », adeptes de rando en pleine nature et de voyages en club ou entre copines, des femmes enceintes ou venant d’accoucher (cet accessoire est d’ailleurs beaucoup plus répandu dans le milieu médical) et même de parents de petites filles qui-ont-toujours-envie-de-faire-pipi-au-mauvais-endroit-au-mauvais-moment… »
Les pisse-debouts recyclables de Magali
Pauline est une grande sportive. Amatrice de rando, de tennis mais surtout d’escalade, elle a l’habitude de partir gravir les parois du Vaucluse. Le pisse-debout, c’est un accessoire sportif comme un autre :
« Je pars souvent avec des copains de mon asso faire des après-midi escalade. J’utilise des pisse-debout pour éviter de faire patienter tout le monde, mais aussi pour ne pas avoir à m’éloigner trop du groupe en cas d’envie pressante. C’est aussi important que de prendre mon baudrier ou mes cordes. »
Car au delà de la file d’attente des toilettes urbaines, pisser en extérieur, quand on est une fille, ça peut vite tomber dans le grotesque. Eviter d’être vue, de s’égratigner la peau, de tomber dans les orties, avoir de quoi s’essuyer… Helena, elle, est une habituée des soirées et des festivals. C’est d’ailleurs au Hellfest qu’elle a découvert les pisse-debout. Depuis, elle en achète lorsqu’elle prévoit des concerts en plein air, comme par exemple, Rock en Seine :
« Evidemment, tout le monde a envie de faire pipi en même temps, c’est-à-dire entre deux concerts. La queue faisait plusieurs dizaines de mètres de long. Je suis allée en haut d’une colline et j’ai pissé sans retirer mon jean, à travers ma braguette, dos aux festivaliers. C’est pas évident, surtout si on est éméchée, mais avec un peu d’expérience, tout s’apprend. J’étais hyper fière quand j’ai rejoint mes potes ».
Astuce : aller faire pipi pendant le concert de Lana Del rey
Atteindre le niveau d’Helena, c’était un peu mon petit défi. Comme je suis moins bravache, j’ai décidé de tester l’objet dans mes toilettes, à l’abri des moqueurs. Je déplie le papier, et tente de conserver la forme arrondie en le soutenant avec ma main gauche. De l’autre, je soulève ma jupe. Je ne sais pas vraiment comment diriger la chose : Droit, incurvé, perpendiculaire à la ligne des toilettes ? Pisser debout, c’est de la géométrie dans l’espace. Allez je me lance ! Le temps de dire à mon cerveau de dire à ma vessie que tout va bien se passer, et enfin, je pisse debout ! Ce privilège qui, dès mon plus jeune âge, me laissait songeuse, est à présent à ma portée ! J’ai envie de faire des concours de « qui va pisser le plus haut », j’ai envie de pisser sur tous les murs de la ville, de laisser ma trace, je me sens puissante, supérieure, prête à dominer le monde…
« Il y a évidemment d’autres combats bien plus importants à mener mais, outre l’aspect réellement pratique, la symbolique du geste dégage quelque chose de fortement transgressif. » conclue Magali.
Je confirme. Le pipi aussi, est politique.