Cette semaine, le magazine féminin Grazia nous a un peu mises en rogne en publiant un dossier spécial consacré à la saga Star Wars. Un titre racoleur : « La Saga expliquée aux filles » et une paire de jambes chaussées de talons hauts, à côté de droïdes C3PO aussi atterrés que nous. Remous sur les réseaux sociaux. Encore une fois, la presse féminine nous prend pour des cruches. Et nous avons décidé de lui répondre.
Ce n’est pas parce qu’il s’agit d’un film de science-fiction, avec des combats au sabre laser, des vaisseaux et un ordre chevalier que les femmes ne sont pas capables de comprendre de quoi il retourne. D’ailleurs, certaines d’entre elles en sont complètement fans comme Laura, Elise, Camille, Lucie et Nina qui nous parlent de la saga.
Camille est fan depuis son plus jeune âge, elle arbore fièrement ses Adidas Dark Vador. Elle raconte qu’elle en a une paire avec Luke Skywalker, aussi, elle pouvait décemment pas acheter que des chaussures de méchant. « J’ai découvert ce film grâce à mon père qui m’a fait très tôt partager son amour de cette saga. J’ai commencé à apprécier la grandeur de l’histoire, le côté spatial, les humains mélangés avec des êtres particuliers, des animaux des robots, c’était intriguant. » Elle aime Star Wars « parce qu’il y a de l’action, de la science-fiction, des belles images, du suspense et une héroïne plutôt badass ». Même si toute jeune déjà, elle avait assez bien perçu que les épisodes les plus anciens de la saga ne passaient pas forcément le test Bechdel (qui permet de déterminer si un film est féministe ou pas) mais elle raconte que le sauvetage de Leïa des griffes de l’horrible Jabba le Hutt réveillait son côté princesse, mine de rien. « Leïa qui est sauvée des griffes du méchant, quand j’étais gamine ça me faisait quand même rêver. Mais c’est pas trop une gourde, tu vois! Elle tire au pistolet, elle se défend. »
C’est aussi le côté héroïne badass que souligne Nina qui revendique son amour des anciens épisodes pour les bruitages et le côté « carton-pâte » : « La princesse Leia qui refuse d’embrasser Han Solo en le comparant à un Wookie? Je l’aime à la folie quand elle est badass comme ça. Apres le moment où elle est hyper sexualisée chez Jabba, bon… ». Lucie rajoute : « Leia est combative, elle est sur le terrain. C’est un personnage féminin beaucoup plus intéressant dans la trilogie sortie à la fin des années 70 que les personnages féminins des années 2000. C’est un peu le bémol ça. Han fait des blagues machistes mais le scénario fait en sorte que ce soit lui qui soit tourné en dérision. Je trouve que c’est vraiment le couple le plus progressiste. C’est intéressant. »
Elise aussi est une inconditionnelle. « Star Wars c’est un peu ma madeleine de Proust: j’avais douze ans quand j’ai découvert la première trilogie, mon frère l’avait eue en cassette pour Noël. Je crois que j’aimais regarder pour plusieurs raisons. Parce que je trouvais les films drôles, d’abord. Même dans les moments d’action trépidants, il y a toujours de la dérision. Et j’aimais bien l’idée qu’on puisse maîtriser les choses par les seules forces de la pensée. Du coup, je me projetais complètement dans le rôle du jedi. D’ailleurs en y réfléchissant, je me suis jamais identifiée à Leïa. Et d’ailleurs Luke est bien comme personnage parce qu’il n’est pas vraiment sexué, du coup c’est peut-être plus facile de s’identifier à lui vu qu’il me parait assez neutre. J’adore encore les gazouillis de R2D2 quand il est embarqué dans le vaisseau d’Han Solo ou les protestations de C3PO lorsqu’il se retrouve en kit. J’adorais les spécificités de chaque personnage: les chignons dingues de Leïa, le phrasé de Yoda, la respiration bruyante de Dark Vador… ».
Pour Laura aussi, c’est l’univers créé par le créateur de la saga qui a ravi son âme d’enfant quand elle a découvert les films : « J’ai commencé à regarder Star Wars à l’âge de cinq ou six ans. Cet univers foisonnant, mêlant voyage galactique, batailles et robots rigolos me fascinait totalement. A l’époque, mon épisode préféré était celui avec les Ewoks. Ado, de nouveaux épisodes sont sortis, et je suis même retournée voir l’épisode II trois fois au cinéma. »
Même chose pour Lucie, qui a découvert Star Wars plus tard, vers l’âge de 19 ans, parce que tous ses amis lui parlaient de la saga et qu’il fallait avoir vu Star Wars. Aujourd’hui, elle est accro et elle évoque la densité d’un univers très cohérent, et le plaisir qu’elle a à revoir les épisodes dans un sens puis dans l’autre, l’ordre de la narration ou l’ordre de sortie des films : « Quand tu revois les épisodes les plus anciens tu réalises que tout a été pensé, chaque détail a été prévu. Lukas avait déjà pensé à tout. Il y a des détails qui ne veulent rien dire jusqu’à ce que tu revoies l’épisode V ou VI. En termes de réalisation et de scénario, il y a une vraie démarche sur les six. Ça a été pensé de A à Z. C’est passionnant à voir dans l’ordre de sortie des films aussi, pour saisir les petits détails. J’ai encore revu la version remasterisée des épisodes les plus anciens pour préparer l’épisode VII. »
Elles ont toutes de bonnes raisons d’aimer Star Wars. Elise, avec son œil affûté de professeure de lettres, nous a parlé du sens de la narration et de la dimension tragique de la trilogie. « J’ai compris que ce n’était pas seulement drôle mais que c’était une tragédie formidable qui reprend les codes classiques (histoire familiale, personnages élevés, destin). J’aime l’idée qu’on puisse basculer dans la noirceur, et je trouve ça assez fort d’avoir fait de Dark Vador le vrai héros de la saga. D’habitude dans les blockbusters, le héros combat les forces du mal, et là on a un héros qui bascule dans le mal. J’apprécie aussi que le réel combat se joue à l’intérieur du personnage. »
Pour Laura, c’est l’aspect politique des choses qui l’emporte. « J’ai commencé à entrapercevoir la dimension politique de la série, et notamment son discours sur les totalitarismes. Je m’identifiais beaucoup à la sénatrice Amidala, dévouée à son peuple, intransigeante et soucieuse du bien commun. Je crois que j’ai pleuré quand elle est morte. Il y a peu de personnages féminins dans Star Wars mais elles n’ont rien de faire-valoir et participent à l’élaboration de l’intrigue au même titre que les personnages masculins. Si Amidala est toujours vêtue de tenues extravagantes et sophistiquées, Leia est une vraie combattante. Elle dispose de pouvoirs psychiques incroyables, son engagement pour la résistance est inébranlable et sa tenue est tout sauf sexy (sauf quand Jabba la kidnappe) ! »
Lucie aussi nous parle du rapport au politique entretenu par le créateur de Star Wars : « Le côté très politique et idéologique m’a beaucoup plu dans les épisodes les plus récents. L’enjeu du combat contre l’Empire, c’est de reconstruire un nouveau système. Mourir pour la république, c’est quelque chose de très fort. Par exemple, le personnage de Padmé, c’est un peu un ange républicain, elle représente vraiment la république et la démocratie idéalisées. De nos jours, on manque de Padmé, de personnages qui sont là pour dire « attention ! », pour rappeler que la république ne vaut le coup que si elle va dans le sens de la vraie démocratie. »
Il semblerait que « les filles » aient en fait très bien compris la saga. C’est ce que dit Lucie : « Ce qui me plaît dans Star Wars, c’est l’esthétisme des combats et le côté politique. Des choses plutôt supposées plaire aux mecs. On nous prend un peu pour des connes quand on nous dit qu’on peut pas comprendre. On essaie encore de nous renvoyer dans la cuisine, c’est terrible d’avoir à faire à ce genre de choses en 2015. »
Selon un article du Telegraph, le septième volet de la saga passerait même le test Bechdel ! Il ne nous reste plus qu’à courir dans les salles de cinéma pour découvrir ce nouvel épisode.