Active, passive… Chez les lesbiennes aussi ?

Active, passive… Ces notions ont-elles une pertinence chez les lesbiennes ? Je dois l’avouer, je ne me suis jamais réellement posée cette question, à mille lieux de ce que la sexualité représente pour moi. Je fus donc étonnée d’apprendre que des femmes bies ou lesbiennes utilisaient cette opposition pour se définir.

Je me suis souvent considérée comme soumise dans mes relations sexuelles, sans pour autant l’associer au fait d’être passive. Cette dichotomie sert souvent de repère dans le cadre de relations sexuelles entre mecs. Il semble que nombreuses femmes se considèrent également comme passives, ou actives, « Bottom » ou « top », dominées ou dominantes. Que veulent dire ces termes ? Qu’est-ce que ces notions nous évoquent dans le cadre de relations entre meufs ? Sont-elles réellement pertinentes pour parler de nos sexualités ?

Il y a plusieurs manières de définir une personne passive ou active ; chez les gays, celui qui est passif est celui qui est pénétré et l’actif celui qui pénètre. On retrouve la même dichotomie dans la représentation des relations hétérosexuelles, les personnes qui pénètrent sont souvent des hommes, tandis que les femmes, elles, sont toujours passives. Mais les choses sont bien plus compliquées que ça : on ne peut pas résumer le fait d’être active au fait de pénétrer. Alors quid des relations entre femmes ?

Pour répondre à cette question ô combien complexe, j’ai demandé à des femmes de me parler de leur sexualité. Si la plupart trouvent l’utilisation de ces termes stérile et ridicule, d’autres se retrouvent dans l’une ou l’autre des positions. C’est le cas de Laura qui s’est toujours sentie passive :

« Je me suis toujours considérée comme passive : je ne prends pas les devants, je ne prends pas d’initiatives, je suis la cadence. Par contre, je suis avec une fille depuis un an et demi, et cette fille est plutôt passive. Elle ne supporte pas qu’on la touche, elle a mal… Ce qui ne m’avait pourtant jamais attirée, m’attire aujourd’hui : je te parle du fait de vouloir pénétrer une fille et je dois carrément m’en passer car c’est juste impossible pour elle. Même en étant passive, le fait de ne pas pouvoir faire du bien à ma copine me frustre. Même si je sais qu’elle prend son pied à travers moi, c’est quand même horrible. En un an et demi elle n’a jamais joui sous mes caresses. En bref, avant d’aimer réellement une fille, je m’en foutais d’être une vraie passive qui suis la cadence mais aujourd’hui c’est assez dur de contenir mes envies. Et pourtant je serai toujours « soumise » au lit, mais j’aimerais la pénétrer. Donc je pense qu’on peut faire la distinction. On peut être passive mais vouloir pénétrer sa copine »

Laura assimile donc le fait d’être passive au fait de ne pas prendre d’initiatives, de « suivre le mouvement ». Ce qui nous amène à la seconde vision de la passivité : la soumission. Si nous partons de l’idée qu’être passive équivaut à ne pas prendre d’initiatives, pouvons-nous dire que nous sommes passives si nous sommes soumises ?

Contrairement aux idées reçues, être soumise peut être un choix, celui d’une réceptivité active. Si nous choisissons la soumission, nous entrons dans une forme de jeu de domination, où l’on participe, autant que la dominante, à l’élaboration d’un échange sexuel.  La passivité m’évoque l’étoile de mer, tandis que la soumission s’apparente à une réception éclairée du rythme et des envies de l’autre. Parce qu’un rapport sexuel se fait à deux, et que chacun joue sa partie. De même, on peut être passive sans être dans une relation de domination tout comme on peut être active (prendre les initiatives) sans être dominante.

Marie pense que dans le milieu lesbien,  ces notions-là sont liées au fait de porter un gode :

« Je pense que c’est très lié à l’implantation d’accessoires (du genre gode ceinture) qui fait que cela peut se comparer à un couple hétérosexuel ou un couple d’hommes gay, où on peut réellement parler d’actif et de passif. Chez les lesbiennes, la comparaison se fait plus en fonction de la domination purement physique (et non pas de qui baise qui)».

La personne active serait donc celle qui porte le gode. Si l’on souhaite aller encore plus loin dans la binarité, on pourrait imaginer que celle qui porte le gode serait la butch dans un couple butch/fem. Même si les femmes qui aiment les femmes s’identifient comme fem ou butch, cela ne définit pas pour autant notre position dans le cadre d’une relation sexuelle.

Johanna pense que la dichotomie est davantage liée à la relation entre les deux personnes qu’à leur sexualité :

« Dans le positionnement actif/ passif – je pense évidemment au sens sexuel du terme car il y a toujours une des deux qui est un peu plus inactive – ces rôles peuvent s’inverser dans le cadre sensuel ou lors d’un changement de statut du couple. Dans le positionnement quotidien, il est évident que l’une prend les décisions pour la seconde. C’est indéniable, quels que soient les couples il y a quasiment toujours une personne, disons… plus directive. »

Est-ce que la personne dominante dans le couple -si on considère qu’il y en a toujours une qui domine l’autre dans un couple- est celle qui prend à la fois les décisions dans la relation amoureuse et les initiatives dans la relation sexuelle ?

Sommes-nous réellement passives quand nous recevons du plaisir ? Ne sommes-nous pas autant dans l’action quand nous sommes pénétrées ? Car après tout, nous ne pouvons pas pleinement recevoir du plaisir si nous ne sommes pas actives pour le recevoir. Aussi, ne pouvons-nous pas, à l’image de la position l’amazone, être pénétrée et active en même temps : être maitresse de son propre plaisir en se « servant » de l’autre pour jouir ?

Même si l’on peut se considérer soumise ou dominante dans le cadre d’un jeu BDSM, n’est-ce pas réduire considérablement notre sexualité à des étiquettes hétéronormées et complètement binaires que de se dire passive ou active ? Ne sommes-nous pas encore hélas enfermées dans une vision très hétéronormée de la sexualité ?

Illustrations de couv’ & n°3: Fourchambers et Zanele Muholi

Sarah

Sarah ne parle plus trop de cul ni d'amour d'ailleurs mais ses passions demeurent : féminisme, antispécisme, santé mentale et gingembre.