En Inde, dans un petit village reculé de l’Etat rural du Gujurat, quatre femmes éprises de libérté tentent de s’émanciper du poids de la tradition tout en rêvant d’un ailleurs où le bonheur et l’amour seraient possibles. Un film féministe bouleversant porté par des actrices incroyables !
Pour son 3ème long-métrage, la réalisatrice Leena Yedav a choisit de s’attaquer à un sujet peu abordé dans le cinéma indien, même alternatif : celui de la violence patriarcale. A travers le destins croisés de quatre femmes, Leena Yadav donne à voir quatre incarnations possibles du féminisme : Rani, veuve à quinze ans, pétrie de traditions, qui a élevé seule son fils cachée dans ses voiles noirs et s’occupe de sa belle-mère, étrange momie édentée qui n’a pas dû être tendre avec elle plus jeune ; Lajjo, battue par un mari alcoolique qui lui reproche d’être stérile ; Bijli, danseuse itinérante qui a cru trouver une forme d’émancipation dans la prostitution ; Janaki, mariée de force au fils de Rani, Gulab, un jeune homme ignorant et obtu qui passe tout son argent dans les putes et l’alcool.
Chaque héroïne est confrontée, derrière les portes closes de sa maison, à une forme de violence patriarcale. Viol, coups, humiliation, soumission, La saison des femmes offre un joli panorama de toutes les violences que l’on peut exercer contre une femme. Comment oublier un jour la terrible scène du tribunal des anciens ? A la soumission des corps, Leena Yedav oppose la liberté des dialogues entre copines. L’une des richesse du film réside d’ailleurs dans ces discussions savoureuses à bâtons rompus entre les 3 amies volubiles. Par certains aspects le film n’est d’ailleurs pas sans rappeler Boulevard de la mort de Quentin Tarantino, le kitsh bollywoodien en plus. Il suffit de voir la scène finale de la fête foraine, véritable catharsis jubilatoire sur fond de musique indienne pour comprendre le parallèle.
Loin d’être sombre ou déprimant, le film de Leena Yedav est plein d’espoir, coloré, émouvant et d’une beauté éclatante. La réalisatrice met un point d’honneur à ne pas tomber dans le pathos, à désamorcer la violence par l’humour. Ascenseur émotionnel garanti : on rit, on souffre, on a peur, on s’attendrit, on s’indigne avec les héroines. C’est d’ailleurs ces multiples ruptures de ton qui font la force du film. Leena Yedav a cette capacité à alterner situations terribles et moments d’intimité suspendus. Au-delà du changement de rythme, c’est vraiment cette histoire d’amitié indéféctible et salvatrice qui donne au film toute sa lumière et l’empêche de sombrer dans le glauque. Amitié qui dans une scène d’une rare sensualité laisse entrapercevoir un possible glissement vers de l’amour.
Alors qu’il est distribué en France, La Saison des femmes attend encore de passer le cap de la censure pour atteindre les écrans indiens. Brisant deux tabous de la société indienne : la violence patriarcale et la nudité, la diffusion du film en Inde constituerait une mini révolution. Car comme le fait remarquer la réalisatrice qui s’est inspiré, pour ses personnages, d’histoires vraies qu’on lui a racontées, si elle montre un petit village où il n’y a pas d’éducation, pas d’information, la même chose arrive également dans des sociétés plus éduquées et progressistes, dans des grandes villes d’Inde comme dans de grandes villes européennes.
La saison des femmes, de Leena Yadav, actuellement en salles