En plein dans le centre historique de Mexico, une zone qui n’est pas des plus sécures, et à côté d’une église (ça ne s’invente pas), se trouve Punto Gozadera (= endroit où l’on jouit, en gros, dans tous les sens du terme), le seul (sauf erreur de ma part) bar lesbien de Mexico, et surtout le meilleur que j’ai pu voir dans toutes les villes / pays où j’ai été –alors OK, il me manque encore pas mal de pays mais comme il doit y avoir 100 bars lesbiens sur la planète, je pense que mes statistiques sont bonnes.
Mais qu’est-ce qui rend ce bar si exceptionnel ? Ce n’est pas nécessairement le look ou la carte, mais plutôt sa politique. Le lieu est tenu exclusivement par des femmes, cis, et trans, et toutes non-hétéro, et elles le définissent elles-mêmes comme un espace lesbo-féministe libre de violence. L’exception vient du fait que tout en étant ouvert à tout le monde (hétéros inclus, même si elles essaient d’éviter parce que, selon leur expérience, ils impactent négativement l’ambiance –surtout les hommes, surprise, surprise), les propriétaires réussissent magiquement à garder l’identité lesbienne du lieu.
Elles y parviennent de deux façons : tout d’abord grâce aux « lesbiernes » (= vendredi lesbien) qui ont lieu presque chaque vendredi et dont l’accès est réservé exclusivement aux femmes et personnes trans (hommes et femmes donc), mais également grâce aux nombreux ateliers qu’elles organisent presque tous les jours (le lieu est ouvert 6 jours sur 7), pouvant aller de « Comment apprendre à se tatouer soi-même et ses amies » à « Pute féministes : discussion sur le travail sexuel ».
« La Gozadera » pour les intimes, est née des volontés de plusieurs femmes non-hétéro d’avoir un lieu où elles pourraient se rencontrer afin d’organiser leurs différentes activités féministes mais également se sentir en sécurité tout en étant elles-mêmes, et enfin, où elles pourraient également passer un bon moment et profiter de la vie, parce qu’entre les manifs il faut bien ça. En tant que françaises, on a peut-être du mal à se rendre compte à quel point l’aspect « libre de violences » du lieu est crucial, mais dans un pays aussi machiste que le Mexique, où le taux de fémicide est de l’ordre de 7 par jour, et où 80% des femmes craignent pour leur vie dans les rues de la capitale.
Avec ses horaires étendus (matin au soir) et ses ateliers féministes, la Gozadera est un genre de mix entre le « Planet » de « The L Word » et les fans de Bernie Sanders. Leur café vient d’une ferme de l’état de Veracruz tenue par des femmes, donnent des cours de voguing et de kickboxing, servent des « tlayudas » (un plat de Oaxaca fait d’une tortilla toastée, de pâte de haricots, salade, avocat, fromage etc.) vegan, vont à presque toutes les manifs (mais ont zappé la gay pride, trop corporate, pas assez intersectionnelle), organisent des concerts de rappeuses féministes (j’y ai retrouvé Rebeca Lane et Nakury de Somos Guerreras), et comme tout bar lesbien qui se respecte, elles ont des tables de babyfoot, franchement, j’exagère à peine en disant que c’est un lieu de rêve.
Et comme chez BBX on croit aux rêves, pourquoi pas aller participer à leur Kickstarter ? Plus d’informations et un documentaire sur le bar à cette adresse