Sex Education vient de sortir sa première saison de 8 épisodes. Cette nouvelle série nous entraine dans la vie de lycéens dans la verte campagne anglaise. Avec un twist dans l’approche : un jeune lycéen, Otis, s’improvise sex thérapeute sous la houlette de Maeve, une business woman en herbe et avec le soutien d’Eric, son meilleur ami gay. Fait notable : le showrunner est une showrunneuse, Laurie Nunn, scénariste australienne inconnue du grand public jusqu’à présent.
Une série anglaise imprégnée des codes des séries américaines
Quelques détails nous rappellent que nous sommes en Angleterre comme la conduite à gauche ou l’accent plus ou moins prononcé des protagonistes, mais globalement, on retrouve les codes des séries américaines adolescentes. Avec l’exception notable qu’on les voit beaucoup faire du vélo et encore plus incroyable, marcher ! Ils vont d’une maison à l’autre, en avalant les kilomètres en quelques secondes.
On retrouve les cliques typiques des séries américaines : les intellos, les sportifs, les atypiques, les snobs, etc. La fascination pour le sport et la performance physique aussi avec Jackson, un athlète sous les feux des projecteurs.
Des adultes stéréotypés
La présence de Gillian Anderson associée à X-Files, série américaine marquante pour toute une génération où elle incarnait Scully, une scientifique cartésienne et curieuse, est ici précieuse et a surement attiré de nombreux fans vers Sex Education. Elle est ici Jean, la mère thérapeute d’Otis.
Elle consulte dans sa magnifique maison dans les hauteurs d’une vallée idyllique, son fils pouvant espionner ses séances afin de s’inspirer pour les siennes. Jean joue un rôle de mère castratrice, mangeuse d’hommes et maladroite. Elle fait sourire, elle fait rire et elle cumule de nombreuses erreurs dans l’éducation de son fils unique.
Elle réussit à rendre Jean émouvante et crédible par moments. C’est l’une des rares adultes de la série avec un personnage un peu complexe. Son intérêt romantique, le plombier, a lui-aussi droit à un peu de complexité, tout comme le père d’Eric. Mais les autres adultes, comme le principal et son épouse, sont cantonnés à leur caricature, un principal rigide et une épouse soumise.
Des adolescents aux personnalités complexes et attachantes
Les personnages les plus importants sont les adolescents. Plus on avance dans la série, plus on découvre leurs failles et leurs forces. Et c’est là l’aspect le plus réussi de la série.
Toute l’approche sur la masculinité est riche et complexe. Aucun personnage masculin n’est ce qu’il parait de prime abord. Et d’autres personnages secondaires se révèlent aussi sous un autre jour.
Otis parle surtout de relations et d’émotions, bien plus que de sexe. Et c’est là, l’acte le plus émancipateur de la série. Quel que soit son âge, on peut retrouver des interrogations et des peurs que l’on a connues à l’adolescence, la peur de ne pas être au même « niveau » que les autres, la recherche de la performance ou encore la peur de la solitude. C’est très bien traité.
Et cette approche est enrichie par le caractère non binaire de certains personnages, comme Eric ou la jeune Ola (la fille du plombier). Eric s’affirme au fur et à mesure de la saison. Ola, elle, semble complètement à l’aise, peu importe ses vêtements. C’est original, rarement aussi développé à l’écran, et en phase avec une société idéale où l’on s’autorise à explorer et exprimer le genre.
Des femmes présentes mais sous-exploitées
Le seul personnage principal féminin est Maeve. Elle occupe une place importante mais principalement par rapport aux personnages masculins qui l’entourent, Jackson, Otis, son frère… Elle les valorise, elle les protège, elle les aime. Le triangle amoureux Ola/Maeve/Otis ne repose que sur l’attirance pour Otis. Rien de lesbien/bi à l’horizon pour ces trois-là. Maeve se révèle aussi intelligente et débrouillarde, mais sans véritable objectif si ce n’est la survie. Ce n’est qu’à de trop rares occasions que cette série réussit le test de Bechdel. On assiste à un moment salutaire de solidarité féminine dans deux épisodes. Et dans un autre, un couple de lesbiennes est à l’honneur. Les parents d’un adolescent sont aussi un couple lesbien. Mais tout cela laisse un goût de trop peu.
Une approche de la sexualité très masculine
D’autant plus que la représentation de la sexualité – en tant qu’acte – est ici très orienté sur le pénis, le pénis, le pénis. Même la scène lesbienne commence par une série de positions avec un gode. Rien de mal là-dedans évidemment. C’est l’omniprésence des pénis et la quasi absence des vulves féminines et sauf erreur de ma part, l’absence totale du clitoris qui interpellent un peu. Le cabinet de Jean est rempli de pénis. Mais aucun clitoris en 3D ? Aucune vulve autre qu’une photo qui est une orchidée en fait ? Quand on connait la richesse des représentations actuelles du sexe féminin aujourd’hui, c’est choquant.
Une scène en cours de biologie permet d’avoir une vague idée de l’anatomie de la vulve. Et pourtant dans un épisode sur le harcèlement à l’école, tout le monde, y compris les femmes, appellent vagin, une vulve. Une peu décevant pour une série sur l’éducation sexuelle. L’une des adolescentes découvre la masturbation et son plaisir sexuel dans une scène humoristique. Il a fallu que son copain du moment et Otis l’encouragent pour qu’elle le fasse… C’est néanmoins une scène réussie et émancipatrice.
Espérons que pour la saison 2 ‑si elle existe– la série rectifiera le tir et saura exprimer la complexité féminine autant qu’elle a su le faire pour les hommes dans cette saison 1.