J’ai longtemps travaillé dans la musique et voilà, il est temps de l’avouer, depuis quelques années la musique majoritairement m’emmerde.
Pas tous et pas tout le monde hein, mais globalement, ça m’ennuie, voilà je le dis, je préfère un beau silence bien long et pesant, même les ronflements de mon chien, que m’écouter une playlist que je trouve merdique faite par un algorithme. C’est peut-être l’âge, c’est peut-être mon aigreur récurrente qui m’oblige à aller régulièrement chez le gastro-entérologue, mais voilà, la musique, ça me tord plus le bide comme avant. Plus les années passent et plus je suis difficile, on dirait Tatie Danielle avec des écouteurs et un air dégouté qui demande souvent à voix haute comment on en est arrivées là. Un boomer mélomane. Voilà ce que je suis. Et dieu sait que ça me fait mal de le taper.
L’aigreur musicale
Il parait que nos gouts musicaux n’évolueraient plus à partir de 27 ans et quelques mois. C’est tôt, mais c’est comme ça. Et franchement, c’est pas faute d’avoir essayé tous les nouveaux trucs, (ma maman disait toujours qu’on n’avait pas le droit de critiquer sans tester) et la plupart du temps ça me glisse dessus comme une nouvelle savonnette dans une salle de bains Leroy Merlin. Franchement vous avez écouté Olivia Rodrigo ? Sans déconner. Et c’est sans parler du retour de la pop punk comme si quelqu’un l’avait demandé. Ne me lancez pas sur le sujet bordel, je suis très énervée. Et pourtant j’en ai porté des chaussettes à rayures qui séparaient tous les petits doigts de pied que j’achetais chez Claire’s.
Mais si mes gouts musicaux se sont arrêtés à 27 ans, qu’est ce que j’écoutais à cette époque ? Des trucs qui faisaient du bruit, assurément. Du punk, du rock, du garage et puis un peu de musique électronique bien énervée, tous les potards au rouge quand je mixais, le lendemain si j’avais des acouphènes c’est que c’était une bonne soirée. C’était pas malin comme raisonnement mais j’ai jamais dit que j’étais maline. J’aime quand ça fait chier, j’aime quand ça dérange et que c’est bruyant, j’aime qu’on se demande si c’est pourri ou si c’est super. (la réponse est souvent au milieu)
C’est peut-être pour tout ça que j’ai bien aimé Cumgirl8.
Groupe formé par Linda Fox, Veronika Vilim, Avishag Cohen Rodrigues, et Chase Lombardo (aussi connue sous le nom de Chase Noelle), la légende voudrait que les quatre filles se soient rencontrées sur un forum de cul. Elles sont en tout cas de Manhattan pour la petite touche chic et choc, sont à deux doigts de la performance artistique à chaque fois qu’elles se produisent et bourrinent dorénavant un post punk bien bordélique, dont les influences sont multiples, à la fois les Slits et tous les groupes des années 2010 à la frange parfaite. Vous vous souvenez du Corps Mince de Françoise ? Quel nom sans déconner.
Signé sur le très prestigieux label 4AD, qui a déjà abrité Cocteau Twis ou encore l’iconique St Vincent que j’aime d’un amour pur même si elle a pas l’air sympa, ce groupe me provoque une fracture de l’oeil et un sourire niais. C’est le bordel, c’est un peu dégueu, ça sort une interview chez Purple et un morceau sur la Cicciolina, icône italienne vulgaire et culte. Pendant le Covid (le groupe a choisi de se monter à ce moment là, et ce n’est pas la meilleure idée qu’elles aient eu), le quatuor avait même monté une émission sur Youtube, et leur esthétique début de l’internet me rappelle mon myspace. Elles sont aussi politisées (elles ont demandé des coupes dans le budget de la police new yorkaise et lève des fonds pour la jeunesse transgenre et noire) et lutte contre le patriarcat et le capitalisme, ce qui leur rajoute des points de love pour ma part. En plus parfois elles font des morceaux avec des bruits de chat, un argument qui devrait finir de vous convaincre.
Si je déplore depuis de nombreuses années la fin des groupes de filles (montez-en, c’est super, c’est vraiment l’exercice pratique de la sororité et sans ça on n’aurait jamais eu Bikini Kill), je suis contente d’avoir tort en 2023 et de les voir revenir, même si un groupe est composé de top models et de designeuses fait vraiment très fashion et pas trop Nouveau Parti Anticapitaliste : mais j’ai 36 ans et j’en ai marre de juger sur le physique. Alors si vous voulez on décide de pas les juger.
Venez on retourne à la fin des années 2000
Cumgirl8 sonne comme quand je suis arrivée à Paris en septembre 2004, qu’on était toutes habillées en American Apparel (quand on réussissait à rentrer dedans, ce qui n’était pas mon cas) et que tous les concerts de Gossip étaient complets. Franchement, ça me donne la nostalgie et envie de me tatouer des triangles et de me faire une mulet. Bref Cumgirl 8, c’est punk, c’est frais, ça fait chier, ça sent un peu le cul, c’est un peu nul mais aussi super et ça sera le 17 mai prochain au pop up du label. Je sais pas si j’y serais parce que la musique souvent ça me fatigue et j’ai pas fini Narcos, mais pourquoi pas ? On pourrait rigoler.