Je ne sais pas ce qui nous a pris exactement. Ma partenaire en avait plein dans ses tiroirs, on s’était promis d’essayer au moins une fois, pour voir ce que ça fait. Elle a sorti la chose de sa protection plastique. Allongée sur le dos, les jambes écartées, ma partenaire me pose délicatement une digue dentaire.
Avant de continuer, une petite définition s’impose. Une digue dentaire, c’est un carré de latex ou de polyuréthane, totalement imperméable. Utilisée par les chirurgiens dentistes, la digue dentaire est également employée comme un préservatif pour se protéger des maladies et infections sexuellement transmissibles lors d’un rapport sexuel entre la bouche de l’un des partenaires et la vulve ou l’anus d’un autre. La version en polyuréthane coûte environ 2 euros et s’achète à la pharmacie.
Pas évident de premier abord de se poser une feuille de plastique sur la chatte. Alors on prend ça comme un jeu… Mais la digue ne tient pas en place, elle n’adhère pas à ma vulve, bien que nous ayons suivi tous les conseils données : mettre du lubrifiant à eau, ne pas trop tirer sur l’objet… La digue dentaire se fait la malle.
Elle ne fait pas « un » avec mon sexe, elle s’échappe et parfois s’esquive un peu vers la gauche malgré nos mains pour la tenir en place. Toujours allongée, ma partenaire tente de me donner du plaisir mais rien n’y fait, elle n’aime pas la sensation sur sa langue et le contact du plastique me fait le même effet que Christine Boutin. Il m’irrite.
On décide ensuite d’inverser les rôles. On change évidemment de digue dentaire ( ne jamais utiliser la même). Je la pose à mon tour sur son pubis. Il ne tient pas et tombe sur un côté à chaque fois que je tente un coup de langue. Il n’adhère pas, je ne suis pas satisfaite et ma partenaire non plus. Dès que j’essaye d’aspirer le clitoris, la digue vient avec et manque presque de m’étouffer. Éclats de rire. Même s’il n’y a à ce moment là, plus aucune tension sexuelle, on aura au moins bien ri.
Ma partenaire et moi avions pris cela pour un jeu, non comme une nécessité. Parce que nous nous connaissons, que nous avons déjà fait des tests, qu’il n’y avait aucun risque de transmission. Je dois cependant avouer que cette expérience de la digue n’a pas été des plus reluisante. Difficile à manier, plutôt désagréable au toucher, elle n’a pas réussi la mission que je lui avait fixé : se faire oublier !
Loin de moi l’idée de diaboliser la digue dentaire. La plupart des filles que je cotoie n’en utilisent jamais, elle est pourtant l’une des protections les plus efficaces en cas de sexe oral dans un rapport entre filles.
Pourquoi ce désamour ? Peut-être parce que les lesbiennes ne savent pas ce qu’elles risquent. Le mythe de la lesbienne pure, (car non souillée par des hommes) a la vie dure. Les campagnes de prévention, rares et souvent trop peu relayées, ne parviennent malheureusement pas à faire changer les choses.
Le problème, c’est que la digue fait peur. Il est vrai que les premières fois, elle est particulièrement difficile à prendre en main. Mais, comme pour le vélo, un peu d’entrainement permet de maitriser l’objet sans trop de peine. Le problème, c’est que face à une partenaire inconnue, on hésite souvent par crainte de « casser » l’instant. « Ce n’est pas sexy », « cela ressemble à du matériel médical », « c’est indélicat de sortir une digue avec une fille qu’on ne connait pas », « personne n’en utilise »… Alors quoi ? Faut-il s’abstenir de faire un cunni ? Mais si l’envie est trop forte ? Ne vaut-il pas mieux se restreindre sur le plaisir que de prendre le risque d’attraper quelque chose ?
Il existe en réalité des alternatives à l’utilisation de la digue buccale. En voici une liste non exhaustive :
– La première est l’utilisation d’un préservatif découpé. L’idéal, à mon sens, est d’utiliser un préservatif préalablement lubrifié. On le découpe dans le sens de la longueur et on coupe les deux bouts. On pose alors le côté lubrifié sur le sexe de sa partenaire. Ensuite, on fait en sorte de bloquer les extrémités avec ses mains, sans tendre trop le carré. On évite ainsi de trop doser le lubrifiant et de risquer de faire glisser le film plastique. Par ailleurs, les digues achetées en pharmacie sont en polyuréthane. Certains préservatifs en latex, type « seconde peau », sont plus fins et donnent moins l’impression de lécher du plastique.
– La seconde est l’utilisation d’un gant en latex. Le principal problème de la digue et de la capote, c’est qu’il faut veiller à tenir la protection. Avec le gant, on découpe les quatre doigts, en faisant en sorte de garder assez de tissu autour du pouce. On peut alors glisser sa langue directement dans le pouce. Oui, une première fois avec une fille, ce n’est pas évident, CERTES, maintenant, entre la honte et l’herpès, il faut choisir…
Réfléchir sur mon expérience plutôt amusante de la digue dentaire m’amène à penser qu’il y a un réel problème dans le sexe entre meufs. On ne parle pas des risques ( et pourtant il y en a ) et loin de moi l’envie de vous rendre parano. Mais si nous pensons qu’il est inutile de nous protéger, est-ce parce qu’en réalité nous avons intériorisé le fait que nous ne faisons pas du « vrai sexe » ? Ou manque-t-on simplement de discours et d’informations sur les spécificités de notre sexualité ?
Oui, on peut choper des IST entre meufs, les lesbiennes et bies ne sont pas épargnées. Mais alors, que faudrait-il faire pour que le genre d’article que je viens d’écrire ne devienne qu’un souvenir, pour que les protections entre filles soient prises au sérieux et qu’on se protège, enfin ?! Comment faire pour que les protections entre femmes deviennent aussi automatiques que celles entre les hommes et les femmes ?
Sarah
photos de couv : Photographer Hal