Depuis tout petit, un seul modèle amoureux nous est imposé. Il est monogame, amoureux et sexuel. Mais chez certaines personnes, l’objet de désir diffère de celui qui nous était destiné : Homosexuelles, bisexuelles, pansexuelles… Chez les asexuels, ce n’est pas l’objet mais l’intensité du désir qui fait office de différence.
Depuis aussi longtemps que je me souvienne, j’ai eu des crushs. J’étais très « amoureuse » de certaines filles quand j’étais au lycée, cette idée de penser à l’être aimé, de la croiser au détour d’un couloir, j’aimais l’idée d’être amoureuse. Puis, pendant les vacances entre ma première et la terminale, j’ai déclaré ma flamme à une jeune fille et à mon grand étonnement elle m’a répondu par la positive.
Nous échangions beaucoup, parlions de nos sentiments l’une envers l’autre et de comment l’amour que nous éprouvions nous troublait. A une soirée organisée par une amie, nous nous sommes enfin retrouvées, dans une chambre, très gênées, aucune de nous deux n’osant faire le premier pas pour nous embrasser.
Après quelques calculs théoriques sur la manière adaptée de s’embrasser, elle s’est penchée vers moi et a posé ses lèvres sur ma bouche et là … Déception. Si ce baiser lui avait fait l’effet d’un éclair, pour ma part, il n’était rien de plus qu’un contact humide, long et mécanique. L’indifférence totale. Pas de frémissement, de poils qui se hérissent ou d’étoiles dans les yeux, rien qu’une indifférence polie.
J’aurais pu interpréter ce baiser comme le signe que quelque chose clochait dans la manière dont mon corps fonctionnait, mais j’ai mis cette idée de côté et j’ai foncé tête baissée dans l’idée qu’avec du travail, j’aurais un jour du plaisir en embrassant. D’autres filles ont suivi, de très jolies filles, douces, passionnées, câlines mais les baisers restaient humides et froids.
J’ai été fortement attachée aux personnes que j’ai rencontrées, un sentiment si fort que je l’ai pris pour de l’amour. Je me posais mille questions mais je revenais toujours à la même conclusion : le sexe m’ennuyait terriblement. Je parlais de mon manque de libido avec ma copine de l’époque avec qui je trouvais toujours toutes les excuses possibles pour ne pas avoir de rapports. J’étais trop fatiguée, je voulais regarder une série, aller au cinéma…
Et quand enfin, nous débutions, je m’arrêtais pendant l’acte, j’entamais des discussions, je regardais la jaquette de ses dvd, vérifiais si je n’avais pas reçu de sms. Il était impossible de retenir mon attention pendant l’acte car les sensations que j’éprouvais n’arrivaient pas à occuper mon esprit. A ma connaissance, je n’ai jamais eu d’orgasme à part pendant la masturbation. Les gémissements en crescendo de ma voix s’arrêtaient brusquement quand mon esprit était passé à autre chose.
Je vous vois venir… Comment peut-elle avoir du désir sexuel, être excitée en se masturbant ou en regardant des films pornographiques mais ne rien ressentir pendant l’acte ?
J’étais en plein brouillard jusqu’à la révélation. Le déclic, je l’ai eu à 24 ans lors d’une conférence sur l’asexualité et l’aromantisme donnée par des membres d’AVEN à la Mutinerie. On m’explique enfin que la libido n’est pas la même pour tout le monde. Que selon les personnes, elle est peut-être plus faible ou plus forte, que c’est un spectre. Et qu’il existe un terme pour désigner cette libido faible ou inexistante : L’asexualité.
L’asexualité ne peut se résumer à une absence de libido. Certaines personnes ont une libido vraiment faible, mais ce degré d’intensité varie selon les individus. D’autres aiment faire l’amour quelques fois et ressentent du plaisir sexuel (on parle alors de « greysexuels »). Aucun rapport donc avec l’abstinence. L’asexualité n’est pas un choix… Et ce n’est pas non plus une maladie.
Je pouvais enfin mettre un mot sur mon vécu. Mais se dire enfin asexuelle, c’est commencer à se poser tout un tas de questions : comment construire une relation avec une personne sexuelle qui prend donc du plaisir à avoir des relations, comment faire son coming-out d’asexuel, comme savoir si on est amoureux…
Voulant être parfaitement honnête avec une jeune fille avec qui je sortais, je lui ai dit clairement que je n’éprouvais que peu de plaisir sexuel de manière générale et qu’elle n’avait donc aucun besoin de s’occuper de moi. Alors que je pensais la libérer du poids d’avoir à me faire plaisir, elle se sentait dévalorisée, et chaque relation sexuelle était pénible car me donner du plaisir était devenu son nouveau graal. Elle voulait m’aider. Mais m’aider à quoi ? A ressentir ?
Je n’ai jamais éprouvé de plaisir et c’est ainsi, ce n’est pas la faute de mes partenaires ni la mienne. Le sexe reste quelque chose de très désagréable pour moi. C’est pourquoi j’insiste sur la nécessité de ne pas passer outre mon consentement. Je n’aime pas qu’on se défoule sur mon corps comme sur une borne d’arcade, alors ne cherchez pas à contenter ce plaisir égoïste d’être la première personne à avoir donné un orgasme à une fille asexuelle. C’est irrespectueux pour moi, et dégradant pour vous.
On sépare généralement l’amour fraternel ou filial de l’amitié et de l’Amour. L’Amour avec un grand A est finalement bien difficile à définir. J’ai connu avec certaines personnes une connexion très forte. J’étais fusionnelle, nous partagions tout, nous vivions ensemble, nous avions une belle complicité. De l’extérieur, nous passions pour un couple très amoureux, mais mon cœur restait dubitatif par rapport au sentiment qui m’habitait. Ni amour, ni amitié, mais une grande affection, une affectation fraternelle pleine et forte. Car oui, en plus d’être asexuelle, je me suis découverte aromantique, c’est-à-dire que je n’éprouve pas de désir romantique.
Mais rassurez-vous, je n’en souffre pas, je vais bien. J’ai enfin pu mettre des mots sur ce que je vivais depuis l’adolescence. Le reste… Et bien, il est encore à écrire. Je suis toujours à la recherche d’un partenaire de vie avec qui avoir une belle relation platonique et fraternelle.
Cécile.