En Arabie Saoudite, une vidéo provocatrice devenue virale déjoue les stéréotypes des femmes voilées avec humour et réclame notamment leur droit à se déplacer librement, sans tuteur.
La vidéo s’ouvre sur trois femmes intégralement voilées prenant place à l’arrière d’une voiture. Leur chauffeur rentre à leur tour : un jeune garçon qui n’a pas plus de treize ans et qui s’apprête à les conduire. La scène est aussi absurde que comique. Le message est clair. La musique entraînante démarre.
Sous les niqab noirs virevoltent des robes fleuries colorées : des femmes jouent au basket ou au bowling, roulent en trottinettes à paillettes et font du skateboard. Les femmes chantent et dansent sur une chanson pop joyeuse.
Les paroles qu’on peut traduire par quelque chose comme “Que tous les hommes disparaissent, c’est eux qui nous rendent folles / Qu’ils soient tous possédés par le démon d’une femme” traduisent un ras-le-bol de plusieurs femmes et hommes (le réalisateur du clip , Majed Alesa, est un homme) qui réclament plus de liberté pour les Saoudiennes.
En premier lieu, le droit à se déplacer librement : l’Arabie Saoudite est le seul pays au monde où les femmes n’ont pas le droit de conduire. En avril 2016, le Conseil a encore voté contre le fait même de revenir sur la loi interdisant la conduite aux femmes.
Pourtant, le prince et homme d’affaires Alaweed ben Talal, personnalité progressiste du pays, appelait il y a quelques mois à une suppression de cette loi, notamment pour des raisons économiques : “la conduite n’est plus un luxe, c’est une nécessité”.
Dans l’excellent reportage qu’ARTE diffusait en novembre de l’année dernière, et que nous vous invitons vivement à regarder, on retrouvait le même état d’esprit que dans le clip coloré de Majed Al-Esa.
Le féminisme en Arabie Saoudite reste fortement attaché aux traditions du pays et ne vise pas à réclamer des droits égaux pour hommes et femmes. Les demandes des Saoudiennes visent certains points précis : le droit de conduire, l’accès à l’éducation sans le besoin d’avoir l’avis favorable d’un tuteur, le droit à faire du sport sans cumuler les regards noirs des passants, le droit d’exister sur la place publique, le droit de travailler, et le droit de participer à la vie politique.
Le féminisme dans le royaume ultra-conservateur d’Arabie Saoudite est une “Une révolution silencieuse” comme la qualifiait ARTE, et en douceur, mais qui porte bel et bien ses fruits : en 2015, pour la première fois, les femmes ont pu voter et se présenter aux élections du pays. Aujourd’hui, le clip a atteint plus de quatre millions de vues sur Youtube. La lutte des Saoudiennes et Saoudiens, continue.