Créé en 2017, le collectif Women Who Do Stuff, (littéralement en français, « les femmes qui font des trucs »), n’aura pas attendu très longtemps pour se faire remarquer. Le concept est simple : une newsletter mensuelle mettant en lumière des associations et/ou des projets gérés par des femmes, quel que soit leur domaine d’activité. Qu’elles soient connues ou méconnues, l’idée est de mettre en lumière ce qu’elles font de manière claire et concise. En somme, une bien jolie manière de célébrer la badasserie au féminin. À l’occasion de la sortie de leur première compilation musicale appelée en toute logique Women Who Do Music, nous les avons rencontrées. On a papoté musique et sororité.
BBX : Qui êtes-vous ? Comment est né le projet ? Comment l’idée vous est venue ?
Mathilde: Donc je suis Mathilde, j’ai 28 ans et j’ai eu l’idée de Women Who Do Stuff début 2017, comme je vis aux Pays-Bas, j’avais envie de me lancer dans un projet féministe que je pouvais faire à distance et depuis mon ordinateur. J’adore les meufs, j’ai la chance d’avoir beaucoup d’énergie donc je me suis dit, tentons l’aventure.
Mélissa: Je suis Mélissa, j’ai 27 ans, j’habite Paris et j’ai connu Mathilde sur Twitter. J’ai rejoint le projet de la newsletter au bout de quelques éditions pour filer un coup de main à Mathilde parce que je trouvais l’idée canon. Ça va faire deux ans et vous savez quoi, je suis hyper fière de bosser sur ce projet.
BBX : Nombreuses ont été les fois où les médias n’ont pas hésité à omettre, voire déformer certaines informations car les protagonistes principaux étaient des femmes. Est-ce qu’écrire ces portraits est aussi pour vous une manière de se réapproprier les choses, de rendre justice à ces femmes qu’on a trop souvent oublié ?
Complètement, notre ligne éditoriale c’est les femmes qui ne s’excusent pas mais ça marche aussi avec celles qui ne s’excusaient pas et que l’on a pris soin d’oublier. C’est super important pour nous de rappeler que cela fait des siècles que les femmes luttent à tous les niveaux et que nous marchons dans les traces de ces femmes.
BBX : Qui sont ces femmes que vous présentez dans vos newsletters ?
Bien conscientes des luttes et difficultés propres à chacune, nous ne faisons pas de distinctions de couleur de peau, de religion, de sexualité.
On essaye de varier les portraits autant que possible et de ne laisser personne sur le carreau. C’est hyper facile de parler des meufs auxquelles on s’identifie ou qui nous ressemblent, c’est un piège dans lequel on essaye de ne pas tomber. En plus de 100 portraits, on a présenté des meufs de tous les horizons, une pizzaïola, une astronaute, des vigneronnes, des autrices, des cheffes d’orchestre, des développeuses…
BBX : Un truc m’a direct sauté aux yeux : vous parlez de « meufs qui ne s’excusent pas ». J’imagine que cela fait directement référence à l’injonction faite aux femmes de ne pas faire de vagues, s’énerver, avoir trop de caractère ; une référence directe à l’idée sous-jacente que les femmes devraient avoir à s’excuser de leur succès ?
C’est tout à fait ça, c’est vraiment hyper chiant de toujours devoir jouer à la funambule, « ah je suis fière de moi je vais en parler mais ohlala par trop car il ne faudrait pas que je passe pour je ne sais quoi ». Quand on voit à quel point les meufs sont créatives, fortes et déterminées, vraiment la flemme de s’excuser.
BBX : Il y a quelques mois de cela, vous aviez créé une première playlist Women Who Do Stuff sur Spotify. Parlez-nous de la compilation à sortir. Qui sont les artistes ? En quoi elle sera différente de la précédente ? Comment les avez-vous trouvées, qu’est ce qui a fait que vous les avez choisies ?
Women who do music c’est notre premier projet physique en dehors de la newsletter, c’est dans la continuité de ce qu’on fait depuis quasi deux ans maintenant. Pourquoi une cassette? Car c’était la solution la plus économique pour nous mais que aussi les cassettes reviennent en force, c’est un objet assez cool. Notre mot d’ordre pour cette compilation est : diversité. Diversité des origines, des sons, des influences, on a envie de régaler les oreilles de tout le monde.
Sur cette compilation il y a 12 artistes/groupes, on passe par les USA, la France, la Belgique, l’Australie et on fait un petit arrêt au Japon. Pour les styles, il y a de l’électro, du bon rock anglais, du r’n’b des années 2000, du rap, un morceau instrumental, de la pop.
Pour trouver toutes ces artistes, on a fait un appel sur notre compte Twitter et on a ratissé bandcamp, ça nous a permis de découvrir des artistes incroyables. On est vraiment fière de cette playlist, il y a des artistes confirmées qui sont dans le milieu depuis 15 ans, d’autres qui bricolent dans leur chambre le soir et vont en cours le lendemain. Il y a des artistes qui ont sorti 5 albums et d’autres qui se sont lancées il y a un an.
BBX : Même si certaines choses changent, l’industrie musicale reste malheureusement un univers assez sexiste. En quoi c’est important pour vous de sortir cette compilation ?
Il faudrait commencer par se demander quelle industrie n’est pas sexiste, honnêtement même si les meufs prennent de plus en plus de place, on est loin d’avoir renversé la vapeur.
On aime bien se dire que ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières et que Women Who Do Music pourrait être un petit cours d’eau. Si des meufs peuvent se sentir inspirées, représentées c’est génial. On voit de plus en plus de projets gérés de A à Z par des meufs, on a envie de se rassembler, de bosser ensemble et de prendre la place qui nous revient. Si Women Who Do Music peut s’inscrire dans cet effort, alors on est contentes.
BBX : Va t’il y avoir une newsletter spéciale pour présenter les artistes ?
Ouiiiii elle vient de sortir!
BBX : Qui dit féminisme dit sororité. Encore aujourd’hui, il demeure toujours cette idée reçue que les femmes entre elles ne se soutiennent pas, qu’elles ne peuvent pas se supporter et ne ratent jamais une occasion de se faire du mal. Qu’en pensez-vous ?
Cette idée reçue est largement colportée par les hommes car ce bon vieil adage « diviser pour mieux régner » a fait ses preuves. Briser les mécanismes de sororité est un excellent moyen de maintenir le patriarcat à flots, car pendant qu’on se tire dans les pattes, on ne fait pas la révolution.
Les meufs sont tellement éduquées dans la haine des autres meufs que c’est vraiment facile de tomber dans la hate permanente, on essaye d’aller contre ça et de soutenir les projets des meufs, de relayer leur parole. On a la chance d’avoir une certaine audience et on a envie de s’en servir de la meilleure façon possible.
BBX : Quel est le public visé ? J’ai pu voir sur votre Twitter qu’il y avait évidemment pas mal de femmes, mais aussi des hommes très enthousiastes. Beaucoup de gens pensent encore que le féminisme se résume à haïr les hommes. Même si bien entendu, il n’a jamais été question d’attendre l’approbation de qui que ce soit, j’imagine que cela vous fait plaisir de voir que le message passe ?
On est contentes de voir que des hommes s’intéressent à la compil’ et découvrent des artistes, ce qui nous rend vraiment heureuses c’est de rendre des meufs heureuses. La newsletter et nos autres projets c’est par des meufs, pour des meufs, avec des meufs. Si des mecs se sentent touchés et apprennent des choses, c’est un point bonus.
BBX : Le projet aura bientôt deux ans. Qu’est-ce que vous retenez de tous ces portraits? Qu’est-ce qui vous a le plus touchées?
Si on devait retenir une chose c’est de voir à quel point les femmes sont tenaces. Qu’il s’agisse de surmonter le sexisme, le racisme, l’homophobie, le validisme, les meufs persistent et signent et continuent de mener leur barque. C’est vraiment admirable et c’est quelque chose qu’on retrouve chez chacune « oui c’est vrai que c’était difficile mais j’ai réussi ». C’est super motivant pour nous et c’est quelque chose qu’on a envie de transmettre.
Infos :
La compilation cassette est disponible sur Bandcamp au prix de 12€ et il y a seulement 30 exemplaires disponibles. La playlist est disponible en téléchargement pour 5€.
Pour s’abonner à la newsletter c’est par ici: www.womenwhodostuff.com