Well Well Well a sorti un hors-série sur les icônes de la lesbianitude, l’occasion de papoter un peu avec toute l’équipe sur cette merveilleuse idée!
Une piqûre de rappel sur le projet WWW, pourquoi, combien, comment ?
[Marie K.] Well Well Well est une très belle revue vendue en librairie, au prix de 15 euros, sans aucune pub. On l’a lancée en 2013, frustrées de voir qu’il n’existait plus de média lesbien papier en France. On parle peu des lesbiennes dans les médias; or il est capital que ce sujet soit couvert par les journalistes, comme n’importe quel autre sujet. L’invisibilisation des lesbiennes est une des facette de la lesbophobie.
Malheureusement, les médias lesbiens ou LGBT ont toujours eu des problèmes de financement. Il est très compliqué de trouver un modèle économique pour faire fonctionner ce genre de magazine. Pour que cette revue puisse vivre, nous sommes donc contraintes de le faire bénévolement. Nous sommes des journalistes, photographes, maquettistes, et nous avons toutes un autre boulot à côté de notre travail pour Well Well Well. Mais nous voulions vraiment qu’un bel objet de ce type existe, avec des photos d’une belle qualité, de longs textes fouillés, une maquette efficace… Un objet que les lectrices puissent être fières d’acheter.
Pourquoi un Hors-série sur les icônes ?
[Marie K.] Avant de nous remettre au travail pour sortir un quatrième numéro, nous avons eu envie de nous concentrer sur ce sujet des icônes le temps d’un hors-série, vendu lui à 5 euros. Dans la presse ou dans les conversations, on parle souvent des “icônes gay”: Dalida, Freddie Mercury, Mylène Farmer, Oscar Wilde, etc. Mais quid des icônes des femmes homos ? On s’est demandé qui étaient nos icônes à nous, et comment on pouvait définir ce concept d’“icône lesbienne”. Le hors-série est aussi une manière de rendre hommage à ces femmes si importantes pour notre histoire : pour se lire, le hors-série se déplie et finit par se transformer en poster, où sont représentées plus d’une cinquantaine d’icônes.
Comment les avez-vous choisies ?
[Mathilde] Pour ce qui est du poster, nous avons listé toutes ensemble avec l’équipe l’intégralité des meufs qui nous venaient à l’esprit et passé la sélection au peigne fin pour tenter de représenter au mieux les univers, les pays, les époques… et les goûts de chacune !
[Béatrice] Pour l’article sur les couples iconiques, nous avons voulu représenter aussi bien des couples historiques que contemporains, des couples qui ont vraiment existé comme des couples de fiction, des couples durables et éphémères… Ce qui peut rendre un couple « iconique », ça peut être l’histoire de la rencontre, la chimie entre deux personnalités très similaires ou très différentes, l’engagement militant du couple…
Icônes et pas héroïnes ?
[Mathilde] Comme on l’écrit dans notre papier co-signé avec Marie Slavicek, justement la définition d’icône a nécessité beaucoup de réflexion et de discussion. C’est plus qu’une idole ou une héroïne. Une icône — terme qui tient du religieux d’ailleurs à l’origine — est une figure emblématique vers laquelle on se tourne parce qu’elle participe d’un imaginaire et d’un socle culturel communs. On a une relation très personnelle à notre icône, mais en même temps elle nous renvoie à une identité collective qui nous fait du bien quand on appartient à une minorité. Il nous paraissait donc essentiel non seulement de valoriser ces personnes/personnages, mais aussi de nous faire du bien à toutes en rappelant que nous partageons ces références.
L’icône badass ultime ?
[Mathilde] D’après ce qu’on a entendu au cours de nos entretiens — et je partage pas mal cet avis — : Virginie Despentes. C’est l’un des premiers noms qui viennent à l’esprit en France, elle nous parle depuis plus de vingt ans, touchant ainsi un vaste public lesbien, mais pas que. Et elle ne mâche pas ses mots. Ça fait du bien !
[Elsa] Je dirai Kathleen Hanna, la chanteuse de Bikini Kill, parce que les riot grrrls sont carrément badass. Il y a aussi Poly Styrene, la chanteuse de X-Ray Spex. Bon, en plus actuel, on pourrait citer Laura Jane Grace, du groupe punk Against me. Il y a évidemment Beth Ditto aussi !
L’icône qui revient de loin ?
[Elsa] Lesley Gore, qui a chanté “You don’t own me” en 1963, alors qu’elle avait 17 ans. Elle explique grosso modo à un mec qu’il ne la possède pas et qu’il ne doit pas lui dire quoi faire. Bon, on sait depuis qu’elle était lesbienne.
L’icône couteau-suisse ?
[Elsa] Judith Butler? Utile en toute occasion car l’évoquer terrorise nos ennemis, aka la Manif pour tous et autres mouvances homophobes. Étrange, puisque personne n’a jamais réussi à lire ses textes, ni eux, ni nous.
[Béatrice] Audre Lorde : elle se revendiquait « femme noire, mère, lesbienne, poétesse et féministe ». Elle trouvait aberrant que le mouvement des Noir.e.s ne soit pas lié à celui des féministes et des homos et elle œuvrait pour changer ça. Elle était de tous les combats!
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