Avez-vous déjà tapé le mot-clé “Lesbienne” dans la barre de recherche google ? Et bien avant le 18 juillet 2019, vous ne seriez exclusivement tombé-e-s que sur du porno.
Associer le mot lesbienne a du porno, pourquoi c’est grave ?
Vous vous rappelez la terrible agression de Melania Geymonat et de sa compagne, Chris, qui a eu lieu à Londres dans la nuit du 30 au 31 mai ? Le couple avait été la cible d’une attaque dans un bus de nuit par une bande de quatre hommes, qui les ont d’abord interpellées alors qu’elles rentraient d’une soirée puis leur ont demandé de «s’embrasser pour qu’ils puissent regarder». Face à leur refus, les agresseurs les ont ensuite tabassées.
Ce que montre au grand jour ce témoignage glaçant, ce sont les violences invisibles et quotidiennes que subissent les couples de femmes, qui, comme le souligne d’ailleurs Melania Geymonat, sont considérées comme «des objets sexuels» par des hommes hétérosexuels qui y puisent une source de fantasme malsain. Et l’une des raisons de cette représentation toxique des lesbiennes tient dans la responsabilité de Google et des sites Internet qui continuent à associer les femmes lesbiennes à une imagerie pornographique destinée à un public hétérosexuel.
Une hypersexualisation qui participe à notre invisibilisation
Mais surprise ! Ce n’est pas la seule conséquence de l’hypersexualisation des goudoues.
Car c’est aussi cette hypersexualisation directement adossée au mot lesbienne qui participe à l’invisibilisation du mot même, notamment dans les médias, où au lieu de parler de lesbiennes et de lesbophobie, on emploiera bien plus souvent les termes «homosexuelles» et «homophobie».
Résultat ? L’accès à l’information sur le lesbiannisme en France est particulièrement complexe, et cantonne le mot lesbienne, dans l’inconscient collectif, à un qualificatif vulgaire voire insultant.
C’est ce qu’explique Sarah Jean-Jacques, sociologue spécialiste du genre et de sexualité et membre fondatrice du collectif Paye ta Gouine : «Il est évident que l’usage du mot lesbienne est encore un tabou social. Une des raisons réside dans le fait que, d’une manière générale et dans la conscience collective, les lesbiennes sont associées à la pornographie et réduites à leur sexualité. Dans les entretiens que j’ai menés, certaines femmes refusent même de s’auto-définir comme lesbiennes et ceci est révélateur d’une intériorisation du stigmate associé à cette identité.»
Une simple erreur ?
Pour Google, il ne s’agit pas de lesbophobie mais bien d’une simple erreur technique, désormais corrigée.
« Il est clair que nous avions échoué ici et nous continuerons à travailler pour améliorer nos résultats de recherche de manière algorithmique », a d’ailleurs assuré à TÊTU un porte-parole de Google.
VICTOIRE ! Le mot lesbienne ne sera plus associé a du porno sur google !
Et c’est vrai que depuis le 18 juillet 2019, on peut – miracle des temps modernes – taper lesbienne dans le moteur de recherche sereinement, même sans avoir activé la fonction Safe Search. Promis, plus de sueurs froides à l’idée de se retrouver par accident nez-à-nez avec deux femmes aux ongles aiguisés comme des lames de couteau et pratiquant le ciseau avec une souplesse à faire verdir de jalousie une contorsionniste du cirque du soleil.
Mieux encore, le premier résultat sur la requête est l’article Wikipédia « Lesbienne » et les suivants sont des articles de presse. Et oui, on a le droit de se permettre une petite danse de la joie.
Une victoire que nous devons à une lutte de longue haleine menée courageusement par un certain nombre de collectifs lesbiens.
La lutte pour la représentation des lesbiennes sur internet continue !
En effet, en France, l’invisibilisation et l’hypersexualisation des lesbiennes sur internet sont des problème soulevés depuis longtemps par de nombreux collectifs, jusqu’alors sans véritable réaction des GAFA (un acronyme qui désigne quatre des entreprises les plus puissantes du monde de l’internet, à savoir : Google, Apple, Facebook et Amazon). Sur Twitter et sur Instagram, le compte @SEOLesbienne qui a lancé le mouvement a pourtant été extrêmement actif pour proposer des solutions et des éclairage, alors que les «erreurs» s’accumulaient : par exemple, pendant le Mois des Fiertés, Google avait affiché sa bannière à la mémoire des émeutes de Stonewall au-dessus des requêtes pornographiques. Une fois le décalage signalé, Google avait choisi d’enlever la bannière plutôt que de corriger les résultats. C’est si chouette, le pinkwashing.
Et le chemin est encore long : sur Google, l’onglet vidéo n’associe toujours à la recherche lesbienne que du contenu porno. Sur Instagram et sur Facebook, le hashtag #lesbienne est automatiquement associé à du contenu pornographique et les algorithmes suppriment ou bannissent les publications liées au hashtag.
Anne-Fleur Multon
Feminist, fab, queer, et accessoirement autrice jeunesse pour payer les croquettes du chat. Wine is always the answer – et pour tout le reste, il y a Virginia Woolf.