Une cheffe d’orchestre de musique actuelle de 25 ans, queer et cool, qui ne se prend pas la tête et a déjà collaboré avec Agar Agar, Grand Blanc, Etienne Daho tu penses que ça ne peut pas exister ? C’est que tu ne connais pas encore Uèle Lamore, une meuf qui tort le cou à tous les clichés !
Qui est Uèle Lamore ? Cheffe d’orchestre de 25 ans, elle dirige le sien, Orage, d’une manière unique : la sienne. Née à Paris, d’un’ mère centraficaine et d’un père italoaméricain, elle tombe très jeune amoureuse de la musique et part étudier à Berklee après un conservatoire de jazz à Los Angeles. Passionnée et entière, elle se lance toujours à corps perdu dans ses projets et kiffe les mangas. La musique est le seul domaine où elle ne s’ennuie jamais.
Rencontre
Salut Uèle. Tu parles de ton métier d’une manière cool en désacralisant la surpuissance du rôle de la chefferie d’orchestre. Aussi, dis tu qu’il s’agit plus de psychologie et de veiller à l’harmonie entre les musicien.ne.s. Est-ce que c’est quelque chose qui t’a été enseigné ou que tu as développé par la suite ? Et penses-tu que le fait d’être une meuf queer apporte quelque chose de différent dans ton approche humaine ?
Je pense que c’est surtout le fait d’avoir appris avec des anglo-saxons et des scandinaves qui ont une approche beaucoup plus relax et pragmatique, tout en étant hyper pro, qui fait que j’essaye transmettre cette vision de mon travail le plus possible au quotidien. Je pense que c’est très europeen du centre et du sud de sur côter la fonction du chef d’orchestre et de la sortir de sa fonction pour l’amener dans un univers quasi mystique. Je pense que de manière (très) générale, les filles sont plus détendues et sont moins dans la domination et le contrôle mais être queer ne change absolument rien.
Il est toujours question de technique dans la musique et encore plus à ton poste. Pourtant la musique est aussi une question d’émotions. Une fois la technique maitrisée quelle place occupe l’émotion dans ton travail ? Et qu’est-ce qui différencie et nourrit ton style ?
L’émotion est super importante mais sans technique tu n’arriveras pas à transmettre correctement ce que tu veux faire ressentir, ou alors ça sera toujours un peu “à côté” de ce que tu veux vraiment dire. Dans la direction, ton émotion et l’engagement sont la nourriture spirituelle des musicien.n.e.s avec qui tu bosses, plus tu donnes, mieux ils joueront car ils voudront donner plus aussi : c’est donnant-donnant. Dans la composition c’est évident que l’émotionnel et le narratif sont prédominant, et plus que la technique. Je pense que mon style est différent du fait que je viens de plusieurs cultures musicales différentes et surtout que je suis très curieuse et je cherche toujours à apprendre des autres. Mon style se nourrit surtout des musicien.n.e.s que je rencontre au travers de projets ou tout simplement de soirées entres potes, ils me font tous découvrir des trucs incroyables ou des instruments nouveaux, c’est tellement enrichissant à chaque nouvelle rencontre !
TRIP I Teaser from Lesly Lynch on Vimeo. Musique composée par Uèle Lamore, Léonie Pernet & Sama
En France, il n’y a qu’une vingtaine de femmes sur les 600 chef.fe.s d’orchestre. Au sein de ton orchestre Orage, tu bosses en général avec des personnes de ta tranche d’âge, qui te connaissent, etc. Ressens-tu une différence lorsque tu fais appel à des personnes issues du classique ? Penses-tu que ta manière d’être, qui n’est ni dans le rapport de force ni la hiérarchie, induit un comportement différent ?
Alors tou.t.e.s les musicien.n.e.s avec qui je travaille sont issu.e.s du classique (donc du conservatoire), et même si on a plutôt une grande majorité de postes entre 25 et 30 ans on a aussi des plus jeunes (notre 1er violon a 20 ans) et des plus âgés (43 ans). Je travaille sans préférences d’âge ni genre, comme les autres chef.f.e.s et ensembles professionnels. On recrute simplement les plus à même de parfaitement exécuter la partition et dont la mentalité colle a notre philosophie de travail. Effectivement, les musicien.n.e.s sont souvent agréablement surpris.e.s de voir qu’on a une super ambiance de boulot, on est très détendus, on se connait tous et les nouveaux sont chaleureusement accueillis et mis a l’aise, mais à cote on cravache en répétition et le boulot est hyper bien fait. On travaille différemment mais le résultat est là, et on finit avec le sourire.
Tu as dit à France musique que ce que faisaient les filles était souvent plus intéressant. (et je ne vais certainement pas te contredire !) Qu’est-ce qui l’est pour toi ? Qu’est-ce qui te touche ou parle plus dans leur musique ?
Disons plutôt qu’à chaque fois qu’on me montre ou recommande un projet de meuf(s) c’est toujours chanmé. Je crois que dans la plupart des milieux musicaux qui sont drivés par des hommes, ce n’est pas facile de déjà se faire une place et encore plus si on ne correspond pas au standard d’être un mec. C’ est à double tranchant, c’est dur de se faire booker ou de signer à cause de çà, et ensuite une fois qu’elles le sont, certains et certaines mette çà sur le compte du résultat de politique de quota ou je ne sais quoi. Du coup la solution est simple : faire de la musique hyper hyper soignée et intéressante qui met tout le monde d’accord et où il faut se rendre à l’évidence qu’on ne peut rien dire parce que c’est juste et tout simplement du bon son.
Tu travailles actuellement sur ton premier album solo, LOOM. Peux-tu nous en dire un peu plus sur ton inspiration, les guests et ton envie ?
On avance dessus très discrètement mais c’est un disque très ambitieux où j’exprime véritablement ma culture musicale, donc je pense que ça va surprendre beaucoup car on me connait surtout en tant que cheffe et arrangeuse, mais niveau compo c’est une autre histoire ! Le disque est très narratif et visuel, et le travail sur le son et le sound design est très important, on va proposer des textures d’un autre monde ! Ça sera résolument tourne hip-hop anglais sur les singles. voila j’ai tout dit !
Quel est ton premier coup de cœur musical ?
Hmm. Ça serait un disque en particulier : Shaolin Soul Volume II, une compil’ du Wu Tang qui fait office de bible musicale dans ma famille. Tout le monde a une copie (ou même deux ou trois, vraiment) de ce disque, c’est un peu sectaire et mafieux hahaha
Bon, tu as collaboré avec Agar Agar, Grand Blanc, tu kiffes Blu Samu. J’aimerais savoir quel est le truc le plus kitsch que tu aimes musicalement et qui pourrait être presque inavouable ?
Mais j’adore le kitch. “Les Rois Du Monde” de la comédie musicale Roméo et Juliette c’est un classique de retour de soirée ! Sinon un petit Mylène Farmer en karaoke avec synchro danse devant l’écran ça ne se refuse pas hein.
Es-tu déjà allée à la wet ? Si oui, quel est ton meilleur souvenir ?
Jamais allée ! Je suis plutôt très casanière, je sors pas trop, et quand c’est le cas c’est bistrot/apéro avec trois ou quatre copains copines et on rentre tôt. Les musicien.n.e.s ont un rythme plutôt grand-mère en vrai !